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28 mai 2019 2 28 /05 /mai /2019 20:56

Il est souvent difficile de voir les films qui nous intéressent au moment de leur sortie. Entre manque de temps, programmation à des horaires peu évidents et flemmingite aiguë, les obstacles qui se dressent face à la cinéphilie sont nombreux. Qu'à cela ne tienne, ça nous permet de remplir la rubrique En vrac de ce blog et de parler de ces films dont il faut absolument profiter des dernières séances. Au menu : la genèse des cartels colombiens et du trafic de la marie-jeanne, un thriller politique espagnol haletant et un voyage dans l'adolescence américaine des années 90. Il y en a pour tous les goûts !

 

3 bons films du printemps 2019

        Les Oiseaux de passage, de Ciro Guerra & Cristina Gallego

Plus de trois ans après nous avoir proposé un fascinant périple au cœur de la forêt amazonienne dans L’étreinte du serpent, Ciro Guerra revient avec un nouveau film centré sur la genèse des cartels de la drogue. Accompagné cette fois-ci de son épouse et habituelle productrice Cristina Gallego à la réalisation, le cinéaste colombien s’essaie ici pour la première fois au film de genre. Si les films traitants de trafics et autres échanges de substances illicites ne sont pas les plus rares dans le paysage cinématographique, le fait de voir une action située au sein de la tribu autochtone amérindienne Wayuu était intriguant. Tiré de faits réels, le film parvient à combiner habilement les codes du genre et un style personnel bien affirmé qui transcende une base qui aurait pu facilement aligner les poncifs sans inspiration. Si tout n’est pas forcément parfait, le petit duo colombien nous offre un instant de cinéma prenant et assez intense à l'arrivée.

Ce qui marque notamment d’entrée de jeu c’est cette capacité des réalisateurs à créer une ambiance marquante grâce à une utilisation remarquable du cadrage et du son. La séquence de danse du début révèle à la fois le côté virtuose de la mise en scène et l’intensité qu’elle parvient à dégager, notamment dans cette tension qui s’installe entre la jeune femme Zaida qui s’apprête à entrer dans sa vie de femme et ce jeune homme Rapayet prêt à tout pour la séduire. Et c’est cette quête du mariage qui nécessite une dot importante dans cette culture ancestrale qui sera le début de la recherche d’argent facile et le commencement de la perdition. Telle une tragédie ancienne annoncée par les chants prophétiques d’un berger Wayuu, le film sera chapitré et chaque segment annoncera la couleur d’un programme sombre, froid et implacable.

Le film s’étale sur une décennie durant laquelle on passe de l’ivresse à la gueule de bois au sein de cette famille qui se déchire progressivement face à la croissance incontrôlée des intérêts de chacun. Le récit n’évite pas une certaine forme de linéarité qu’il compense néanmoins par le génie de sa mise en scène et un scénario qui propose quelques pics d’intensité assez puissants. Le rythme lancinant du film est notamment un atout pour ressentir plus puissamment encore les accès de violence qui frappent sans prévenir. On pouvait néanmoins espérer davantage de l’écriture des personnages (notamment concernant le personnage du fils de la matriarche assez unilatéral) mais ils sont suffisamment caractérisés dans l’ensemble pour que l’on prenne plaisir à suivre leurs évolutions. 

Nous assistons donc ici à une belle proposition de cinéma, sèche et aride à l’image de ces déserts peuplés par une partie du peuple Wayuu. Oppressante aussi comme cette forêt luxuriante qui abrite une autre partie du même peuple. Un décor qui marque la séparation nette entre ces deux clans, ces deux familles qui ne peuvent plus collaborer ni cohabiter autour des mêmes intérêts et qui inexorablement se déchirent. L'importance des décors est également illustrée par cette maison majestueuse, dressée au milieu de rien, qui symbolise la folie des grandeurs qui a gagné cette région reculée. Les oiseaux de passage ce sont ces hommes qui voguent, s’installent, font des affaires, s'entretuent puis repartent. Un récit sombre, violent et radical avec une mise en scène en béton armé et une éclatante photographie.

 

3 bons films du printemps 2019

       El Reino, de Rodrigo Sorogoyen     

Dans ce contexte d’élections, rien de tel qu’un petit thriller politique survitaminé pour se mettre en appétit ou digérer (c'est au choix). El Reino est le nouveau film du jeune cinéaste espagnol Rodrigo Sorogoyen qui a notamment obtenu un beau succès d’estime avec son précédent film Que Dios nos perdone. Nous suivons ici la chute d’un politicien pris au piège dans les rouages d’un système qui a fait sa réussite mais qui, cette fois-ci, se retourne contre lui. Un film qui ne risque pas de faire les affaires des chiffres de l’abstention tant il réussit brillamment à remettre en cause des sujets qui dépassent le simple monde politique de façon habile et corrosive.

On peut résumer simplement El Reino à une perpétuelle course contre-la-montre qui montre crescendo en tension et nous tient en haleine pendant deux petites heures qui passent à une vitesse folle. Pourtant ce n’est pas si facile de rentrer dans le film qui déroule un scénario assez complexe sur un rythme intense qui laisse finalement peu de répit au spectateur. L’introduction se fait sur un plan-séquence dynamique et aboutit ensuite sur un déjeuner où les plans se multiplient par le biais d’un montage particulièrement raide qui nous rappelle celui d’un autre film politique : In the Loop d’Armando Iannucci. Mais si ce dernier s'apparente à une comédie, ce n'est pas le cas d'El Reino qui arbore des teintes plus noires et cyniques.

Cette réalisation et ce montage ultra dynamiques peuvent surprendre dans un premier temps mais on se rend vite compte de l’épatante maîtrise de l’ensemble. La forme s’accorde très bien au fond qui, s’il ne va pas nécessairement au cœur de ce système particulièrement pourri, présente néanmoins de solides attraits. Les protagonistes, dont notamment le principal brillamment interprété par Antonio de la Torre, font l’objet d’une écriture remarquable qui laisse place nette à la nuance et à l'ambiguïté.  On ne sombre ni dans la caricature de personnages pourris jusqu’à l’os ni dans la caricature de modèles de vertu repentis. Au contraire, le personnage de Manuel cherche à s’extirper de cette situation embarrassante uniquement pour sauver sa peau, même si ses amis fidèles ou non doivent trinquer à sa place. C’est ce qui donne beaucoup d’intérêt au film : dépeindre un système et surtout dépeindre ses acteurs et leurs enjeux propres de façon à comprendre ce monde clairement, sans tomber dans un enfoncement de portes ouvertes simpliste. 

Et ce film n’est pas avare en rebondissements et en séquences marquantes. Outre le plan-séquence introductif, Sorogoyen nous en propose d’autres à des moments-clés qui renforcent l’intensité et cette impression de course contre-la-montre à vitesse réelle. La dernière demi-heure est par ailleurs un modèle de tension avec des moments où l’on se retient de respirer, preuve ainsi que l'empathie envers un personnage que l'on détesterait en temps normal est bien présente. Le passage en voiture dans la nuit me marquera un petit moment je pense.

Que dire de cette dernière scène qui, une fois de plus dans le récit, nous interroge à la fois sur l’honnêteté du monde politico-médiatique mais aussi sur la nécessité de maintenir un certain équilibre. Difficile à mon sens de rester de marbre face à ce film qui en a dans le ventre et développe une intrigue intéressante sur bien des aspects, avec une solide écriture d'ensemble. J’ignore si le film est inspiré de faits réels mais je suis certain d’une chose: certains politiciens espagnols ont du avoir des sueurs froides en visionnant ce film !

 

3 bons films du printemps 2019

        90's, de Jonah Hill        

Acteur trublion à la carrière remplie de rôles comiques avec une orientation vers des rôles plus dramatiques depuis quelques années, Jonah Hill nous propose ici sa première expérience de réalisateur. Un projet qui nous ramène, comme son titre l’indique, au beau milieu des années 90, dans un milieu de jeunes skateurs. Difficile de savoir à quoi s’attendre de ce Mid90s (titre original) quand on ne connaît que le comédien et non le potentiel cinéaste, d'autant plus que le sujet était un terrain propice à la prolifération de nombreux clichés. Et pourtant dans ce cas présent, pas de crainte à avoir ! Jonah Hill est en effet parvenu à nous livrer un portrait de jeunesse intéressant et avec son lot de qualités.

Ce film ressemble à ce que donnerait un mélange entre un Gus Van Sant, un Linklater et un Larry Clark. On retrouve les thématiques intimes centrées sur l’adolescence du premier, la tendresse et la bienveillance envers ses personnages du deuxième et le côté cru et direct du dernier. Un mélange détonant qui fonctionne très bien même si ce serait très réducteur de rester sur cette comparaison tant le film parvient à développer sa propre identité, à mi-chemin entre naturalisme et nostalgie d'une époque révolue (mais pas tant que ça). J’ignore à quel degré Mid90s est autobiographique mais on sent que ce projet est très personnel avec une volonté de présenter des morceaux de vie aux thèmes universels.

Le film nous propose ainsi des instants épars qui transpirent le vrai sans pour autant être en permanence dans une optique ultra réaliste, avec notamment une part de scènes qui semblent tenir du fantasme. On s’attache vite au jeune Stevie, préado pas forcément malheureux mais qui cherche à exister davantage entre sa mère aimante mais absente, son frère violent et cette bande de skateurs qu’il rencontre au cours de l’été. Suivre la vie de cette petite troupe est un plaisir, on apprend à découvrir tous ces jeunes avec leurs qualités et leurs faiblesses. Des caractères bien distincts, des vies et trajectoires différentes mais une passion qui les lie : le skate. 

L'écriture est très convaincante en règle générale tant elle évite soigneusement de tomber dans le piège des personnages clichés, que ce soit dans la famille ou le cercle d'amis. Chacun est caractérisé et n'est pas cloisonné dans une seule fonction. Pour reprendre l'exemple du milieu familial, il était simple de cantonner la mère célibataire à un rôle de femme désespérée ou le frère à un rôle de bourrin sans cervelle. Mais heureusement il n'en est rien tant le film prend le temps de développer leurs caractères et d'en faire autre chose que des marionnettes prévisibles. Il y a notamment cette part de tendresse dans ces relations exposées à l'écran qui fonctionne particulièrement bien et qui peuvent nous toucher, à tout moment. A ce titre je trouve que les cinq dernières minutes du film sont vraiment très belles, et le tout sans que le réalisateur ne rajoute trois couches de guimauves. 

Sans pour autant constituer un tour de force, le film de Jonah Hill n'en demeure pas moins réussi, sincère et juste dans son approche introspective des tracas de l'adolescence, de la découverte d'autres facettes de la vie... Le scénario est suffisamment épuré pour permettre à tous ces personnages de vivre, pour permettre aux spectateurs de s'y attacher, de les comprendre. Et rien que pour ça, ce petit séjour dans cet été des années 90 valait le détour.

       

Romain

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15 avril 2019 1 15 /04 /avril /2019 10:20

Au diable Cannes, Venise, les Césars et les Oscars. Un seul palmarès de référence, celui de la Dernière Séance ! Bon peut-être pas, mais en tout cas les cinq membres de la rédaction ont tous connu une année 2018 bien remplie et vous dévoilent ici leurs tops 10, et que vous les aimiez ou pas, c'est pareil.

Top films 2018

Romain

 

  1. Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-Eda

J'étais fâché avec les dernières palmes d'or mais ce n'est pas le cas en 2018 avec ce magnifique film de Kore-eda. C'est l'histoire d'une famille aussi atypique que pauvre qui survit grâce aux vols, magouilles et autres petits boulots peu gratifiants sans que le film ne tombe dans le pathos et le misérabilisme facile. Le récit mêle habilement la douceur à la noirceur et porte des interrogations fortes sur le sens même de la famille et de la société avec ces personnages moralement très ambigus. Le dispositif cinématographique est des plus épurés, on suit des tranches de vie, chaque personnage a la même consistance et on s'y attache fortement. L’écriture est tout simplement brillante, idem pour les acteurs tous très convaincants. Un grand film qui fera date.

 

  1. Leto, de Kirill Serebrennikov 

Voici l'un des films les plus rafraîchissants de l'année et au rythme très rock'n'roll, à l'image de son sujet. En narrant l'éclosion de la scène rock à Leningrad dans les années 80, Serebrennikov nous offre là un film à la fois solaire, libre et envoûtant. La mise en scène d'une virtuosité folle est au service d'un film audacieux et qui se renouvelle incessamment, nous proposant des séquences marquantes où on navigue entre fantasme et réalité. Je suis ressorti bouleversé après avoir vécu un véritable périple où j'ai navigué entre toutes les émotions avec plusieurs pics très intenses. Le genre d'oeuvre inventive que j'aimerai revoir plus souvent au cinéma.

 

  1. Jusqu'à la garde, de Xavier Legrand

César du meilleur film amplement mérité pour ce premier long-métrage de Xavier Legrand qui constitue un véritable petit tour de force. Le film évite de sombrer pleinement dans la facilité avec un sujet pas évident à traiter et est bien au contraire d'une grande justesse. Le scénario progresse de façon cohérente et on passe d'un flou total autour de querelles de divorcés à un véritable thriller limite horrifique. A ce titre la fin du film est tout simplement géniale avec une tension intense grâce à une mise en scène et un montage particulièrement intelligents. Xavier Legrand signe là un film glaçant qui aurait pu être un peu plus épuré mais qui comporte tellement de qualités qu'il me paraît difficile de les lui reprocher. On notera également les prestations réussies de Léa Drucker et Denis Ménochet que j'espère revoir dans des films du même calibre. Un nouveau réalisateur à suivre et cocorico qui plus est !

 

  1. Mademoiselle de Joncquières, d'Emmanuel Mouret

La meilleure surprise de l'année écoulée pour ma part. Mademoiselle de Joncquières est un film plastiquement superbe et délectable de bout en bout. Librement inspiré d'une nouvelle de Diderot, le film de Mouret nous propose un récit vivant où on prend un malin plaisir à voir évoluer ces personnages entre sentiments réels, trahisons, faux-semblants et manipulations. Il faut bien sûr adhérer au jeu théâtral des acteurs qui se prête cependant très bien au film d'époque dans un 18ème siècle plein de bouleversements. Et si on retiendra bien sûr les interprétations de Cécile de France et Edouard Baer, difficile de passer à côté de celle d'Alice Isaaz qui est éblouissante de beauté dans ce film. Souvent comique, parfois dramatique, ce film est une véritable bouffée d'air frais et un grand plaisir de bout en bout.

 

  1. Les Frères Sisters, de Jacques Audiard

Vraiment pas déçu par ce western cocorico dont j'attendais beaucoup. Audiard signe ici un film âpre qui n'est pas avare en surprises. Si le récit paraît classique sur plusieurs aspects (relation fraternelle, chasse de primes, etc.), il nous amène souvent sur des fausses pistes et des retournements de situations qui nous prennent plus d'une fois au dépourvu. Si le film est assez noir et amer, il ne délaisse cependant pas une certaine forme d'humour cynique qui est très appréciable. Le quatuor d'acteurs est génial et la mise en scène d'Audiard très inspirée au même titre que la photographie qui contribue fortement à l'ambiance crépusculaire du film.

 

  1. Le 15h17 pour Paris, de Clint Eastwood

Plutôt controversé et mal accueilli à sa sortie, le 15h17 pour Paris est pourtant un film intéressant à plus d'un titre. Clint Eastwood signe un beau film quasi expérimental sur des hommes ayant accompli un acte héroïque et sur les coulisses qui ont abouti sur cet acte. L'occasion de s'intéresser à cette société qui crée des individus façonnés par la guerre, les armes, la violence mais aussi par le sens du sacrifice et de la solidarité. Un film de patriote mais pas de propagande patriotique aveugle et fasciste (coucou Libé), le 15h17 célèbre les individus et surtout l'union des individus. C'est prenant, ça s'attaque à des sujets de fond assez complexes et nuancés, et le trio se débrouille très bien. On sent que cette amitié de longue date rend leurs interactions à l'écran vraiment naturelles. Et la séquence du train s'avère parfaitement maîtrisée. Dommage que le film soit autant interprété de travers alors qu'il est porteur de belles valeurs (même si un peu naïves). 

 

  1. Paranoïa, de Steven Soderbergh

Projet casse-gueule par excellence, Paranoïa s'en sort finalement très bien et constitue une belle réussite. Le film a été tourné intégralement à l'iPhone et ce moyen de réalisation s'avère être parfaitement approprié tant il contribue à rendre l'ambiance oppressante et sordide. En effet l'image est sale, le cadre resserré sur les personnages tel un étau, ce qui colle bien au sujet. Le film joue habilement sur l'état mental du personnage principal et sur sa paranoïa. Pendant une bonne partie du récit, nous sommes dans un flou qui rend le film particulièrement tendu et angoissant.

 

  1. La Forme de l'eau, de Guillermo Del Toro

Sorti en France en 2018, La forme de l'eau (qui a remporté l'oscar du meilleur film il y a un an) est un long-métrage pour le moins troublant. Forcément filmer l'histoire d'amour entre une humaine et une créature sous un angle "réaliste", c'est osé ! Del Toro y arrive cependant très bien avec sa réalisation aux petits oignons qui arrive à rendre cette histoire belle tout en n'hésitant jamais à filmer des scènes crues et parfois sordides. Outre une Sally Hawkins épatante, nous noterons un Michael Shannon inquiétant qui interprète brillamment son rôle de salopard. J'aurais souhaité un peu plus de folie car la romance demeure assez convenue bien que tendre et tout simple mais dans l'ensemble j'ai beaucoup aimé ce film. Et esthétiquement c'est vraiment une franche réussite.

 

  1. L'île aux chiens, de Wes Anderson

Le dernier Wes Anderson marque avant tout par sa forme et son inventivité formelle de tous les instants. Je ne peux pas comparer avec Fantastic Mr Fox que je n'ai toujours pas vu mais j'ai énormément apprécié ce travail d'animation en stop-motion avec une patte visuelle unique et marquante. Loin d'être un simple écrin avec rien d'autre à côté, le film brille aussi grâce à ses dialogues et son humour pince-sans-rire qui fait mouche dans cet univers atypique. Mon seul reproche concerne le rythme du film pas toujours parfait avec quelques passages moins inspirés et superflus au milieu du film (notamment avec l'étudiante qui n'apporte rien). Mais difficile de bouder son plaisir face à cette œuvre qui cumule les réussites et nous embarque dans un univers esthétique exotique et plaisant.

 

  1.  First Man, de Damien Chazelle

Les aventures spatiales m'ont toujours fasciné au plus haut point alors autant dire qu'un film sur LA mission Appolo 11, ça ne pouvait que doper la hype ! Et je dois dire que je n'ai pas été déçu sur cet aspect-là. Les scènes dans l'espace avec ces pionniers qui voyageaient dans des boîtes de conserves volantes sont particulièrement tendues et bien foutues. Ambiance claustro garantie ! Néanmoins le récit de la vie d'Armstrong m'a moins intéressé que les coulisses des missions, d'où mes petites réserves. Mais rien que pour les séquences spatiales où on reste accroché au fauteuil, ce film vaut clairement le coup d’œil.

Top films 2018

 

Arnaud

 

  1. Jusqu'à la garde, de Xavier Legrand

Un film français d’une rare intensité, écrit avec justesse et sans jamais verser dans le larmoyant, une dissection tirée au cordeau (à peine plus d’1h30) des conséquences psychologiques d’un divorce sur toute une famille, mais du point de vue de l’enfant. On se sent aussi désemparé et impuissant que lui, tiraillé entre les deux parents, malmené et peu loquace. Un excellent premier film qui ne sera pas oublié de sitôt.

 

  1. Mektoub, My Love : Canto uno, d'Abdellatif Kechiche

Un autre film français intense, mais d’une toute autre façon. Kechiche nous emporte ici dans un tourbillon de flirts et de sensualité sous un soleil méditerranéen échauffant les esprits. Cette évocation de grandes vacances est troublante de vérité et frappe souvent au cœur quand on ne s’y attend pas. Il faut dire qu’il n’y a que Kechiche pour pondre des fresques de 3h qui ne racontent “pas grand-chose” mais passent tellement vite qu’on aurait voulu rester dans cette ambiance encore plus longtemps.

 

  1. Hérédité, d'Ari Aster

Tout simplement le film le plus terrifiant que j’ai vu au cinéma depuis des années, et sans jamais reposer sur des sursauts faciles. Le fait que l’histoire soit profondément ancrée dans un drame familial aide incontestablement à croire aux personnages, tous paumés et traumatisés à leur façon, essayant de se reconstruire quand leur quotidien bascule par petites touches dans le surnaturel et le dérangeant. On a là un premier film qui s’affranchit des règles de façon assez admirable, nous surprenant à de nombreuses reprises, le tout avec une vraie virtuosité et un jeu sur le hors champ mettant nos nerfs à rude épreuve.

 

  1. Hostiles, de Scott Cooper

Un “western” avec des indiens” qui prend le genre autant à contre-pied que possible. Il n’y a pas vraiment de bon ou de mauvais personnage, que ça soit côté indien ou américain, ils sont tous rongés par le remord, la culpabilité, l’envie de vengeance, les haines passées ou présentes. Un film d’une âpreté et d’une violence rarement vues dans le genre, qui n’hésite pas à taper là où ça fait mal côté colonisation, et qui se permet en prime d’avoir une photographie et une musique remarquables, mettant parfaitement en valeur de grandioses décors. En somme, une belle petite claque.

 

  1. The House That Jack Built, de Lars von Trier

Chaque film du sulfureux LVT est accompagné de son lot de polémiques, et étonnamment celui-ci en a semble-t-il moins provoqué pour son contenu qu’à l’habitude. C’est pourtant un sacré pari, même pour un tel réalisateur, de nous proposer de suivre sur pas moins de 2h32 cinq séquences dans la vie d’un serial killer particulièrement vicieux et obsédé par l’art dans le meurtre. Que dire si ce n’est que c’est fort dérangeant, encore une fois riche d’idées formelles, et que Matt Dillon est bluffant dans un tel contre-emploi ? Si LVT n’existait pas, il faudrait l’inventer.

 

  1. Les Chatouilles, d'Andréa Bescond et Eric Métayer

On ne va pas se le cacher, sur un tel sujet j’avais peur du film balourd, narrant platement et avec pathos des événements ignobles. Et pourtant ! Adaptant sa propre pièce de théâtre (déjà autobiographique), Andréa Bescond réussit l’exploit de nous exposer son traumatisme à la fois frontalement et par de nombreuses astuces de mise en scène et de narration d’une belle inventivité. C’est le genre de rôle qui n’aurait pas pu être confié à une actrice “normale”, vu l’intensité et la hargne qu’elle y injecte. Karin Viard et Pierre Deladonchamps sont simplement incroyables dans des rôles pour le moins complexes.

 

  1. First Man, de Damien Chazelle

Déjà très amateur du travail de Chazelle avec Whiplash et La La Land, ce n’est pas ce film qui va me faire changer d’avis. Oui, je comprends que certains ont pu le trouver un peu plus balisé et que les scènes familiales ne sont pas d’une originalité folle, mais ce qui compte c’est que j’y ai cru, et que le reste est assez bluffant de maîtrise. A part le grandiose L'Étoffe des héros, aucun film ne m’avait fait ressentir le courage de ces hommes de façon aussi viscérale, risquant leur vie dans des boîtes de conserves volantes pilotées quasi entièrement en manuel. L’immersion est totale et la tension y atteint des sommets, démontrant bien que Chazelle est plus que capable de s’attaquer à ce qui ressemblait fort à un biopic casse gueule sans y laisser des plumes.
 

  1. Spider-Man : New Generation, de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman

Enfin un film à la hauteur de son bondissant personnage depuis le Spider-Man 2 de Sam Raimi, soit pas loin d’une quinzaine d’années passées ! Et il s’avère qu’un dessin animé était la solution idéale tant il fait preuve d’une inventivité et d’une générosité débordante. La bonne idée est incontestablement d’introduire le personnage de Miles Morales tout en profitant du multivers pour le faire coopérer avec d’autres versions du héros, parfois assez délirantes. L’écriture est loin d’être en reste, apportant une vraie profondeur et des dilemmes crédibles à tous les personnages, même aux méchants. Un film de super héros qui démontre que le genre n’est pas mort, juste en panne sèche d’auteur inspirés, ou du moins ayant les mains libres pour mener à bout leurs idées.

 

  1. Les Veuves, de Steve McQueen

Le grand retour de Steve McQueen, un peu trop longtemps à mon goût après son fameux 12 Years a Slave, et à mon humble avis bien plus intéressant. Il arrive à brasser de nombreuses thématiques sociales et politiques à travers ce qui aurait pu n’être qu’un “simple” film de casse parmi tant d’autres, que ça soit par la mise en scène ou par les actions de ses héroïnes aussi crédibles que touchantes. La partie braquage et action n’en oublie pas pour autant d’être jouissive, c’est méticuleux au possible et juste assez astucieux pour ne pas en faire trop. Un beau plaisir de cinéma à tous les niveaux.

 

  1. Leto, de Kirill Serebrennikov

Une belle surprise que ce film parvenant à être un biopic à la fois rock’n’roll, rebelle, solaire, nostalgique, le tout avec une sacrée maîtrise de la caméra et du noir et blanc ! En fait autant le dire tout de suite, je n’ai qu’un seul reproche à faire au film : les scènes musicales sont tellement géniales, d’une créativité visuelle folle, que j’en aurais voulu bien plus tant je les ai trouvées marquantes. Cela n’empêche pas l’histoire de ces deux rockers russes aux trajectoires divergentes d’être sacrément poignante, avec un sacré talent pour nous plonger dans la vie de ce groupe d’amis (la scène de la plage est une de mes préférées à cet égard).  Et c’est quand même pas tous les jours qu’on peut entendre du rock russe !

Top films 2018

Martin

 

              1.   Leto, de Kirill Serebrennikov
 

Voilà que vient scruter le sommet de mon classement un film russe en noir et blanc dont je ne savais absolument rien avant sa sortie. Prenant place dans le milieu peu connu du rock underground sous l’Union Soviétique dans les années 80, Leto est, avant d’être un film politique, une véritable ode à la liberté (créative mais aussi des moeurs), incarnée par une galerie de personnages en dérive perpétuelle par rapport à leur environnement. Kirill Serebrennikov fait également de son film une vraie déclaration d’amour au rock et à toute une génération bercée par David Bowie, Lou Reed et autres Marc Bolan, qui culmine lors de séquences musicales prodigieusement inventives. Par leur biais, le réalisateur rappelle la puissance de la création musicale, mais aussi l’amer contraste existant entre le rêve, l’idéal, et la réalité, celle qui s’inscrit dans l’histoire. Rafraîchissant, inventif, bouleversant, mon coup de coeur de l’année !

 

            2.    Mektoub, My Love - Canto Uno, d'Abdelattif Kechiche
 

Difficile d’imaginer meilleur candidat pour titiller les sommets de ce top que le dernier-né d’Abdellatif Kechiche. Le cinéaste français est incapable d’autre chose que de l’excellence et l’a encore prouvé, malgré un accueil timide et une absence quasi-totale des grandes cérémonies. Plus épuré narrativement qu’une Vie d’Adèle, Mektoub n’en reste pas moins une étude fascinante de la notion de frustration et de décalage à travers le regard du personnage d’Amine, probablement l’un des personnages les plus empathiques de la filmographie de Kechiche. Mais, plus que tout, c’est la capacité du réalisateur à peindre le réel, à travers sa caméra, sa direction d’acteurs et l’étirement temporel de ses scènes, qui rend son oeuvre si envoutante. 

 

            3.    Climax, de Gaspar Noé
 

A l’autre bout du spectre du cinéma français, il y a ce grand malade qu’est Gaspar Noé. Climax ne ressemble à rien d’autre : une chronique de moeurs sur une troupe de danseurs l’espace d’une soirée arrosée, virant progressivement au trip cauchemardesque le plus total. Le dernier Noé se conçoit comme une véritable expérience de mise en scène, horrifique et sans échappatoire où le cinéaste use et abuse de tous ses effets de style (couleurs saturées, caméra mobile,plans extrêmement longs, cadrages imprévisibles…). Pas un film que je recommanderais facilement, mais on n’en sort pas indemne. 

 

            4.    Roma, d'Alfonso Cuaron


On a beaucoup parlé de Roma, peut-être pas forcément pour les bonnes raisons (polémique Netflix, hype des Oscars…). Le dernier Alfonso Cuaron est sans doute son film le plus exigeant et, comme chaque oeuvre du cinéaste, un vrai manifeste de mise en scène. Plus immobile qu’à l’accoutumée, la réalisation de Cuaron impressionne par ses compositions sur plusieurs plans, son sens du cadrage précis et sa capacité à convoquer tant le drame historique que la poésie pure au sein d’une même image. Mais, malgré le soin accordé à ces amples tableaux, Roma reste une oeuvre profondément intimiste. A travers le portrait de la jeune Cleo (une Yalitza Aparicio excellente de sobriété), le mexicain revisite ses grandes thématiques : le rapport fragile entre la naissance, la mort, la renaissance, la confrontation entre maternité et hostilité du monde… Le meilleur film de Cuaron s’il n’y avait pas Les Fils de l’Homme. 

 

            5.    Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand
 

Un choix heureux que ce César du meilleur film. Le premier film de Xavier Legrand a ceci de particulier qu’il débute comme un drame social naturaliste, pas très éloigné d’une réalisation des frères Dardenne, pour progressivement dériver vers le film d’horreur jusqu’à un climax anxiogène, moment de tension comme je n’en ai que trop rarement vécu en salle dernièrement. A la fois proposition unique de cinéma de genre à la française, modèle de direction d’acteurs et manifeste l'impressionnante maîtrise pour un Xavier Legrand à l’aube de sa carrière de cinéaste, que je ne peux que lui souhaiter longue et prolifique.  

 

            6.    Utoya, 22 juillet, de Erik Poppe


Probablement mon expérience de spectateur la plus éprouvante de l’année. La lecture lecture fictionnalisée des attentats du 22 juillet 2011 sur l’île d’Utoya proposée par Erik Poppe est une proposition radicale : tout le film donne l’illusion d’un unique plan-séquence et épouse le point de vue d’un personnage, la jeune Kaja, limitant le champ de perception du spectateur à ce qu’elle voit et entend. Les coups de feu qui résonnent au loin et dont on ne voit rien, les longs moments d’attente et d’hésitation, les tentatives illusoires de se distraire au milieu de la catastrophe. Film-choc, Utoya poursuit également, plus d’un demi-siècle après Alain Resnais, la réflexion sur l’impossibilité de représenter l’horreur du réel au cinéma. Le film n’apporte pas de réponse claire au débat mais reste, qu’on adhère ou pas à la démarche, une expérience profondément marquante. 

 

              7.    Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-Eda


Comme à son habitude, Kore-Eda parle de la famille. Il interroge non seulement la nature de ces liens indicibles qui unissent les êtres vivant sous un même toit mais également la tension entre ce que devrait être, idéalement, une famille, face au modèle que lui impose la société. L’approche du réalisateur japonais se veut douce-amère, alternant entre moments de joie, de cohésion, et durs retours à la réalité. La narration d’apparence très épurée, se construit habilement au gré de la présentation successive des personnages, mais aussi de l’histoire sous-jacente de cette cellule familiale atypique. Sobre, intelligent et terriblement émouvant, Une affaire de famille est sans doute ma palme d’or préférée depuis La Vie d’Adèle. 

 

              8.    Spider-Man : New Generation, de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman


Il aura fallu attendre 2018 et un film d’animation produit par le duo Phil Lord/Chris Miller pour que Spider-Man retrouve ses lettres de noblesse au cinéma. Multipliant les expérimentations visuelles et les références au support comics dans une grande orgie de mouvements et de couleurs, Into The Spider-Verse est probablement le film d’animation américain le plus inventif en termes purement visuels depuis… le film Lego. C’est aussi un vrai tour de force narratif, qui reconstruit complètement les codes de l’origin story autour du personnage de Miles Morales tout en faisant intervenir la notion d’univers parallèles au sein d’un récit dense mais étonnamment digeste. Le meta est ici utilisé non pas pour faire des blagues à la Deadpool mais bien pour remettre le doigt sur ce que le matériau d’origine a d’essentiel et d’universel. Incontestablement le meilleur film du genre cette année et sans doute le premier film à la hauteur du personnage de l’araignée depuis le Spider-Man 2 de Sam Raimi. 

 

            9.    La Forme de l’eau, de Guillermo Del Toro


C’est assez émouvant de voir Guillermo Del Toro finalement consacré, via son Oscar du meilleur film, après des années de projets abandonnés et de réception en demi-teinte de ses films. On pourrait reprocher à La Forme de l’eau d’être le Del Toro le plus “oscarisable”, entre romance impossible et célébration du cinéma hollywoodien. Mais le mexicain n’a visiblement pas abandonné sa verve de réalisateur de genre et de grand cinéphile passionné, dont l’amour pour le sujet filmé et toutes les références qui l’accompagnent transpire à chaque plan. Ainsi, on se félicitera que le récit ne soit amputé ni de sa dimension charnelle ni de sa violence, notamment au travers du fascinant personnage de Michael Shannon, vrai méchant de cinéma comme on aimerait en voir davantage. Emouvant, drôle, sombre, La Forme de l’eau est l’un des films de Del Toro les plus complets, et sans doute son plus réussi derrière l’inévitable Labyrinthe de Pan. 

 

             10.    Girl, de Lukas Dhont


Face au sujet extrêmement délicat que représente le transgenrisme, Lukas Dhont fait le choix de traiter du changement de sexe non pas comme un sujet politique mais bien comme une manifestation intime avant tout. Girl parle du changement, et de l’acceptation de celui-ci en tant que processus impossible à écourter. La question du corps est centrale puisque Lara, impatiente à la fois à l’idée de devenir une fille et d’être une danseuse professionnelle, ne cessera de pousser le sien à bout. En cela, le film est parfois éprouvant, mais toujours terriblement juste dans sa dépiction d’un personnage troublé et de ses relations souvent compliquées avec son entourage proche (la relation avec le père est en cela particulièrement belle). Et, s’il fallait une autre raison pour voir Girl, la prestation de Victor Polster est absolument sidérante. 


Mentions honorables : L’Île aux Chiens, Hérédité, Les Frères Sisters, Burning, Phantom Thread.
 

Top films 2018

Robin

 

              1. Hérédité, d'Ari Aster

 

Magistral film d’épouvante qui a fait l’objet d’une critique longue et fournie sur ce blog il y a quelques mois. On vous y renvoie.


              2. Leto, de Kiril Serebrennikov

 

Cette comédie musicale russe en noir et blanc est bien plus que cela. D’une richesse infinie, elle propose tout à la fois des séquences chantées explosives ou mélancoliques, une profusion narrative qui mêle petite romance et grande Histoire, et une mise en forme libre et aérienne, extrêmement rafraîchissante, qui ménage des instants de pure contemplation lyrique. La cure de jouvence de l’année.


              3. Mektoub,  d'Abdellatif Kechiche 

 

A l’instar d’Hérédité, on vous recommande la superbe critique de Martin, qui synthétise les grands traits du cinéma de Kechiche. 


              4. Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand

 

Ce film hybride, entre le film d’auteur tendance cannoise et le pur film d’épouvante, se transcende sur les deux tableaux : drame familial plus terrorisant que n’importe quel métrage horrifique et métrage horrifique plus bouleversant plus que n’importe quel drame familial. Tout est dit.


            5. La Ballade de Buster Scruggs, des frères Coen

 

Les indéboulonnables frères ne nous proposent pas ici un hommage poussiéreux et figé au western classique. Bien que leur mise en scène, ample et majestueuse dans la parfaite lignée des grands ancêtres du genre, y renvoie irrémédiablement, les différents chapitres en revisitent chaque grand archétype pour mieux les détourner, travestis par la bouffonnerie tragique propre au duo, qui imprègne chaque plan de cette anthologie bien plus coennienne que ne l’était True Grit. 


             6. Roma, d'Alfonso Cuaron

 

Netflix fait œuvre utile en produisant cette épopée intime, qui, par l’intermédiaire de son architecture sonore, ses longs plans séquences et sa photographie texturée, semble imprimer à même la pellicule et matérialiser sous nos yeux ébahis, la texture même des souvenirs. Peut-être le film le plus personnel de Cuaron.


            7. Climax, de Gaspar Noé

 

L’enfant terrible du cinéma français frappe fort avec une œuvre à nouveau radicale et impitoyable, qui n’a d’autre objectif que de projeter son spectateur dans un délire cauchemardesque coupablement délectable. Son film est un précis de cinéma psychédélique, qui manifeste une élaboration formelle sans limites, trop rare dans le cinéma d’auteur contemporain qui privilégie la sobriété du cadrage et les teintes grisâtres.  


            8. Spiderman – Into the Spider-verse, de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman

 

Le film d’animation de 2018, qui a enfin renversé l’hégémonie Disney aux Oscars. Drôle, attachant, abondamment référencé sans tomber dans le pompage intempestif et bien rythmé, le film trouve sa spécificité dans son utilisation magnifique du médium animé, prétexte aux expérimentations graphiques les plus folles et à un rendu comic book renversant. Un régal et un modèle pour n’importe quel superhéros movie en prise de vues « réelle ».


             9. Infinity War, d'Anthony et Joe Russo

 

Le dernier grand Marvel en date est une oeuvre étonnement aboutie avec la gestion fluide de ses multiples storylines, sa mise en scène moins brouillonne qu’à l’accoutumée, qui sublime les capacités de chaque superhéros, son climat baroque de fin du monde et surtout, son premier vrai grand méchant de la saga : le grandiose Thanos. 


           10. Isle of dogs, de Wes Anderson

 

Encore un film d’animation, cette fois-ci en stop-motion, pour clôturer ce top. Anderson semble porter son esthétique à son stade ultime d’incandescence avec cette petite perle, qui lui permet de peaufiner encore plus « kubriquement » chacun de ses plans, et d’offrir une quête chamarrée, aux personnages humains comme animaux diablement attachants. 
 

Top films 2018

Olivier

1. Mektoub My Love : Canto Uno   
2. Une affaire de famille    
3. Roma    
4. L'île au trésor 
5. Jusqu'à la garde   
6. Shéhérazade
7. Under the Silver Lake    
8. Nos batailles    
9. Burning    
10. Seule sur la plage la nuit 

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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 15:18

 

       Tomorrowland, de Brad Bird

 

      Ce n’est un secret pour personne, chez Disney on enchaîne les bides et les performances moyennes au box-office niveau films live, entre John Carter, Tron Legacy, Lone Ranger et d’autres moins connus, pas moyen de lancer une franchise à succès depuis Pirates des Caraïbes. Le problème, c’est que ce Tomorrowland suit la même voie, avec des budgets de tournage et marketing plutôt conséquents couplés à un intérêt très timide du public.

 

 

       Dommage, on a tout de même Brad Bird à la réalisation, qui nous avait offert un Mission: Impossible 4 jouissif et virtuose. Avec Tomorrowland comme avec ses précédents films, il maîtrise parfaitement ses influences et ses références en nous plongeant dans un retour nostalgique totalement assumé vers la science-fiction des années 50, optimiste et aux couleurs criardes, avec robots bienveillants, jetpacks et fusées chromées. On peut y voir une sorte de réponse à la tendance actuelle d’une SF plus froide et « réaliste ». Je n’ai d’ailleurs pas pu m’empêcher de relever une réplique du personnage de George Clooney, agacé par l’héroïne qui le bombarde de questions sur comment marche tel ou tel truc : « tu ne peux pas juste te détendre et profiter du voyage ? » (traduction très approximative basée sur un souvenir, je précise). Pour moi difficile de ne pas y voir une petite pique à Nolan et aux spectateurs qui veulent des explications à tout, des origines, de la cohérence dans les moindres détails et pas de mystère (alors que les films de Nolan sont loin d’être exempts de défauts du genre). Mais au-delà du fait que ça soit une pique ou non, cette réplique résume assez bien l’esprit du film, on nous invite à voyager, nous laisser porter par cette aventure, nous ébahir devant cette ville utopique et ses créations délirantes.

 

       Avoir une héroïne sceptique et cartésienne est bien entendu une ficelle classique pour donner au spectateur des explications sur l’univers, mais ici ça fonctionne particulièrement grâce l’opposition savoureuse qui se met en place avec Frank (Clooney), parfait dans son rôle d’inventeur bourru et aigri. Le personnage d’Athena permet également quelques déviations bien senties du modèle Disney, que ce soit dans les scènes d’action ou les dialogues, vifs et plein d’humour. Le plus gros regret reste la fin du film, qui semble avoir été bien bâclée niveau scénario, on revient à quelque chose de bien plus classique, pour ne pas dire lourdaud. De plus, certains éléments ont tendance à contredire ce qui était intelligent juste avant, d’où une certaine confusion et un film qui nous laisse un peu sur notre faim. Ce serait tout de même dommage de le descendre pour ça quand tout le reste était généreux, d’une naïveté rafraichissante que l’on ne voit plus trop actuellement.

 

7/10

 

 

 

       San Andreas, de Brad Peyton

 

       Honnêtement, qui attendait ce San Andreas, vu le peu d’imagination à l’œuvre dans les films catastrophes récents et après un 2012 de triste mémoire ? La formule a été tellement marquée par le « travail » de Roland Emmerich que beaucoup (moi le premier) pensaient encore récemment qu’il était réalisateur du film.  Mais non, c’est un certain Brad Peyton qui prend le relais, avec à son actif des œuvres majeures telles que Comme chiens et chats : La revanche de Kitty Galore ou Voyage au centre de la Terre 2 (qui a quand même apporté à l’humanité la scène inénarrable du pectoboum spécial drague - attention les yeux). Le tout écrit par un scénariste de Lost, ça promettait quand même du lourd. En fait, pas tellement de surprises, c’est sauvé du naufrage complet par The Rock (beaucoup) et Alexandra Daddario (un peu). Ce bon vieux Dwayne Johnson, qui avait fort mal débuté sa carrière en jouant un scorpion géant numérique, a depuis largement su montrer son implication, son second degré et son talent dans des films comme Southland Tales, Pain & Gain ou les derniers Fast & Furious (si si, je suis sérieux). Le genre d’acteur capable de redresser le niveau d’un film à lui tout seul, qui semble toujours s’éclater et s’investir à fond dans ses rôles, même les plus pauvres.

 

 

       Ici, le rôle a clairement été écrit pour lui, le film n’aurait pas été le même avec un John Cusack tout fade comme dans 2012. Au contraire, on arrive à croire sans mal à ce personnage de sauveteur acharné qui va tout faire pour sauver sa famille. On croira par contre beaucoup moins au beau-père qui, de façon absolument prévisible, est riche donc lâche et prêt à tout pour survivre. Ça serait trop demander que d’avoir quelque chose d’à peine plus nuancé dans ce genre de films qu’un message clignotant au néon fluo « les beaux-parents c’est le mal, on ne peut compter que sur sa vraie famille » ? Je ne demande pas non plus d’inverser les rôles, ce serait aussi ridicule, mais d’avoir de vrais dilemmes pour une fois.

 

       On me dira, pas totalement à tort, que ce n’est pas pour ça qu’on va voir un film catastrophe comme celui-là, on veut juste voir tout péter. Pas d’inquiétude, à ce niveau-là on est servi, on a du barrage qui pète, des ponts, des immeubles à gogo, des paquebots, un tsunami avec un cargo dessus, des failles géantes, il manquait à peu près que des éruptions volcaniques pour avoir la totale. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la côte Ouest ramasse sévère, on se demande vraiment comment il va être possible de reconstruire tout ça à la fin. En aucun cas un bon film donc, mais ça a le mérite d’être assez divertissant, pas trop long, avec quelques touches d’humour bien senties et une surenchère joyeusement débile dans la destruction.

 

4.5/10

 

 

 

       Loin de la foule déchaînée, de Thomas Vinterberg

 

       Les amateurs de Festen n’auraient sûrement jamais imaginé il y a une vingtaine d’années voir Thomas Vinterberg, une des figures de proue du Dogme 95, réaliser la quatrième adaptation d’un classique de la littérature anglaise. Là où on aurait pu s’attendre à retrouver sa mise en scène nerveuse et ses caméras portées, à ce qu’il dynamite un peu les codes de l’adaptation, il surprend encore se montrant assagi, presque méconnaissable. Le film est, à première vue, très fidèle au roman tout en élaguant et en allant à l’essentiel, ce qui lui donne à mon goût un rythme un peu cahotant et une résolution trop rapide. C’est le cas typique d’adaptation où je serais curieux de lire l’œuvre originale afin de mieux comprendre les personnages et leurs revirements souvent abrupts, certains étant brossés un peu trop rapidement à mon goût.

 

 

       En dehors de ces points qui m’ont moins convaincu et parfois empêché d’être emporté par l’histoire, le film a de grosses qualités à faire valoir, qui mettent tout le monde d’accord : la photographie, la musique et les acteurs. Les paysages bucoliques de l’Angleterre sont parfaitement mis à profit à grands renforts de levers et couchers de soleil, la vie aux champs des paysans et des domestiques est montrée sans idéalisation mais avec un grand respect pour cette petite communauté soudée face aux épreuves. C’est en partie là que la bande originale fait la différence, même si les compositions sont superbes, on retient particulièrement les chants qui ponctuent le film au gré des célébrations, et marquent des moments forts de l’intrigue plutôt que des pauses.

 

       Enfin, ce n’est pas pour rien si les performances des acteurs ont été soulignées par la critique. Carrey Mulligan confirme depuis Drive sa capacité à incarner des personnages moins fragiles qu’ils n’en ont l’air, mais torturés dans leur quête du bonheur et prompts à faire les mauvais choix. Matthias Schoenaerts, révélation de Bullhead et confirmé chez Audiard, se montre tout aussi à l’aise dans ce rôle plus paisible d’un fermier à la vie simple, qui n’a d’autre ambition que de se marier et fonder une famille. Michael Sheen n’est pas en reste, avec un rôle étrangement proche de celui de Bill Masters dans l’excellente série Masters of Sex, et communique parfaitement le désarroi de ce quarantenaire cherchant à tout prix à se remarier et fou amoureux de l’héroïne. Une belle fresque en somme, qui mérite d’être découverte au cinéma et rend curieux de voir ce que Vinterberg va pouvoir nous offrir sur son prochain film.

 

7.5/10

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 15:08

Histoire de rattraper un peu de retard sur une actualité ciné plutôt chargée, je vais publier plusieurs critiques à peine plus courtes que d'habitude regroupée par deux ou trois.

 

 

 

      It Follows, de David Robert Mitchell

 

       La plupart des amateurs du genre le répètent, ces dernières années l’horreur au cinéma vit un peu sous perfusion. Beaucoup de jeunes réalisateurs arrivent à tirer leur épingle du jeu en direct-to-video, mais ça ne fait que souligner un gros problème de distribution. J’aurais rêvé de voir l’éminemment jouissif, généreux et inventif Wolf Creek 2 sur le grand écran, pour n’en citer qu’un. A part ça, les sorties horrifiques en salle sont partagées entre remakes, reboots, suites et autres found footages sur des sujets de plus en plus débiles, bref les surprises se font rares. Dans ces conditions, difficile de ne pas s’enthousiasmer quand un film d’horreur un peu ambitieux se voit distribué au cinéma.

 

 

       A l’inverse, j’ai aussi appris à me méfier un peu des critiques à ce niveau, qui encensent parfois à l’excès ce genre de films par faute de concurrence (il suffit de voir l’affiche, un peu racoleuse à ce niveau-là). Enfin, on ne juge pas un film sur l’affiche ou les critiques, donc passons. Dès l’intro, très réussie et bel hommage à Halloween, le réalisateur pose une ambiance lourde et menaçante, sans expliquer d’où vient le danger. Cela viendra un peu plus tard, sauf si vous avez lu le synopsis bien sûr. Je vais de toute façon en parler, car sans ça difficile d’élaborer sur le reste du film. L’idée, simple mais terrifiante, est qu’une entité vous poursuit et cherche à vous tuer si vous avez des relations sexuelles avec une personne déjà maudite/infectée (on ne sait pas d’où c’est parti mais on s’en fout). De plus, cette entité peut prendre la forme de n’importe qui, un inconnu comme un de vos proches. La seule façon de s’en débarrasser est de coucher avec quelqu’un d’autre, mais elle reviendra à vous si cette autre personne meurt.

 

      On remarque donc que les plus grosse influences du film sont des œuvres de John Carpenter, que le réalisateur semble tenir en haute estime. Halloween comme je le disais plus haut, pour les quartiers résidentiels, la saison, le plan-séquence d’introduction, l’entité lente mais indestructible. Il y a également un côté The Thing et Invasion Los Angeles dû au fait que cette entité puisse prendre l’apparence de n’importe qui, ce qui créé une parano constante des personnages poursuivis. Un héritage largement confirmé par la très bonne composition de Disasterpeace, qui fait écho à celles de Carpenter, et par la mise en scène, qui sait prendre son temps. Actuellement, on en arrive presque à dire qu’un film d’horreur s’annonce bien s’il ne mise pas sur les jumpscares comme seule façon de faire peur. Le film n’en est pas dénué, mais comme chez Carpenter (encore une fois), ils sont bien amenés et cohérents, pas juste là pour faire sursauter gratuitement.

 

      Si on a peur dans ce film, c’est bien parce que la parano s’installe dès le début, et qu’un rythme calme est fermement maintenu, jouant habilement avec les attentes du spectateur. Une chose est certaine, vous n’aurez jamais autant scruté les figurants au second plan que dans ce film. Une des scènes les plus tétanisantes du film voit apparaître un géant de plus de deux mètres dans l’encadrement d’une porte, sans aucune surenchère, pourtant vous risquez bien d’oublier de respirer pendant quelques secondes. On retourne en quelque sortes aux fondamentaux, pas seulement à ce qui a marché dans les années 80. Trop de films récents se sont pris les pieds dans l’hommage à cette décennie culte à beaucoup de niveaux, sans proposer quelque chose de personnel.

 

       Ici nous avons un petit groupe d’ados suffisamment bien définis pour les besoins de l’histoire, que l’on peut mettre dans des cases en restant en surface, mais qui se révèlent attachants au cours du film. Les archétypes existent de toute façon dans la vie, l’important c’est que les personnages soient crédibles, et ils le sont. C’est ce qui manque à trop de productions du genre, sans croire aux personnages, il peut bien se passer n’importe quoi, on ne sera pas impliqué. Le fait de choisir des ados en pleine découverte de la sexualité et de les confronter à cette menace évoque forcément le SIDA, là encore un sujet abordé indirectement dans beaucoup de films des années 80. Comme certains ont pu le faire remarquer, il semble étrange dans cette optique que l’on puisse s’en débarrasser en couchant avec quelqu’un d’autre. Ce serait oublier que le film a tendance à prouver le contraire, par les principes mêmes énoncés plus haut, on ne peut jamais totalement s’assurer d’en être débarrassé (et pourtant les personnages iront de plus en plus loin, par désespoir, pour trouver une solution).

 

      Voilà donc un film d’horreur nettement plus intelligent et sincère que ce que l’on peut voir en moyenne au cinéma, qui a aussi ses défauts comme un dernier acte pouvant céder à la facilité, mais il serait dommage de bouder son plaisir pour ça.

PS : le film n’est pas sexiste, ne vous laissez pas influencer par n’importe qui juste parce qu’il y a des jolis dessins.

 

7.5/10

 

 

 

      Jupiter Ascending, d'Andy et Lana Wachowski

      

       Pour tout vous dire, je ne sais plus trop comment me situer par rapport aux Wachowski. J’aime beaucoup Matrix premier du nom, mais j’ai un peu peur de le revoir. Les deux suites, ça part déjà pas mal en vrille. Je n’ai pas tellement aimé Cloud Atlas malgré son ambition, pour une tonne de raisons que je n’aborderai pas ici. Reste à voir Bound et Speed Racer qui, en fait, semblent être les plus à même de me plaire (un film plus « posé » et un délire total assumé). Du coup j’attendais ce Jupiter avec une certaine curiosité teintée de scepticisme (ou l’inverse), surtout après la bande-annonce.

 

 

       Et il n’y aura pas plus de surprise dans le film que dans ma critique, vu que l’on y retrouve tout ce que j’aime et n’aime pas chez les deux cinéastes. Ils ont toujours pour eux une incontestable générosité, une sincérité qui fait que l’on a envie d’y croire, de se laisser emporter dans leurs délires mixant toujours plus d’influences, pour le meilleur et pour le pire. Commençons par un des premiers problèmes du film, c’est qu’il a dû être réduit à deux heures, simplement parce que les producteurs n’avaient aucune envie d’investir des sommes colossales après les bides de Speed Racer et Cloud Atlas. On a donc un film qui en contient quasiment trois, et qui aurait pu durer quatre  ou cinq heures, voire être une mini-série. On se retrouve par conséquent avec un rythme totalement forcé et bourrin, sans jamais être effréné dans le bon sens du terme.

 

       L’introduction est peut-être l’exemple le plus parlant, avec une tonne d’infos qu’on nous balance à la figure, des personnages dont on comprend à peine les motivations et qu’on voit quelques minutes, avant de passer à autre chose. Même si ça se calme un peu après ça, il reste à subir un nombre conséquent de dialogues d’exposition, avec une Mila Kunis servant bien trop visiblement à poser les questions du spectateur, et Channing Tatum ou Sean Bean à expliquer longuement les tenants et les aboutissants du scénario. On a le sentiment que les Wachowski n’ont pas voulu laisser tomber trop de détails sur l’univers contenus dans le script de base, et ont cherché à tasser un maximum d’informations dans les deux heures, du coup on frôle l’overdose à plusieurs reprises. Difficile de croire à autant de lieux, de personnages et de concepts qu’on ne fait qu’évoquer au détour d’un dialogue, tout en ayant la sensation que le film ne nous offrira pas plus qu’un aperçu de l’univers déployé. Un peu comme si on essayer de comprendre ce que représente un puzzle en ayant une poignée de pièces devant nous, on pourra avoir une vague idée mais pas une vision claire de l’ensemble.

 

       Tout ceci est vraiment dommage, ce qui est montré est assez varié, les décors ont de la gueule, pas mal de plans spatiaux sont juste superbes, mais les efforts monumentaux déployés à ce niveau-là (en excusant quelques détails ratés) ne servent finalement qu’une histoire bien plate et décevante, pas aidée par des dialogues balourds à souhait. Je n’ai aucun problème avec le classicisme et la revisite de schémas bien rôdés comme celui de la princesse et de son chevalier blanc, quand ça dépasse la simple structure narrative. Ce n’est malheureusement pas le cas ici, la relation entre les deux évolue sans aucune surprise, et leur dynamique se résume à « la princesse se fout dans la merde toute seule, le chevalier déboule et la sauve dans un deus ex machina de toute beauté ». Au bout de trois ou quatre fois, c’est légèrement pénible. Surtout quand elle arrive à se faire avoir par des méchants aussi prévisibles et peu subtils que ceux du film.

 

       Malgré tous ces défauts, il reste évident que le bide annoncé du film peut être rageant comparé à d’autres blockbusters bien moins bons qui cartonnent à côté. Depuis Matrix, les Wachowski n’ont pas su rééditer l’exploit de proposer quelque chose de personnel qui attire suffisamment le public pour pouvoir financer sereinement leur prochain film, et du coup leur situation est loin de s’arranger. Mon avis sur eux n’a donc pas changé avec ce film, je reste curieux de voir quel sera leur prochain film mais sans trop y croire.

 

5/10

 

 

Arnaud

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30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 18:20

       Partant de la constatation que nous laissions passer des critiques par manque de temps ou d’inspiration pour écrire une critique complète, voici un premier essai de critique en vrac (nom et principe inspiré par le Lieutenant Schaffer, jetez donc un œil à son blog : http://carnetsdulieutenant.blogspot.fr/).

 

 

 

      Mommy, de Xavier Dolan

 

       Pas facile de parler de Mommy, comme il n’est pas facile de parler de Dolan. Le jeune prodige, c’est un peu le personnage qui peut facilement irriter, surtout quand on fait des films aussi stylisés que les siens. Cinq films en cinq ans à seulement 25 ans, non seulement ça rime mais surtout ça impressionne. Surtout quand il ne se contente pas d’être réalisateur, mais également acteur, scénariste, producteur, monteur et j’en passe.

 

 

       Ayant exploré dès son premier film, J’ai tué ma mère, sa jeunesse quelque peu compliquée, il revient au sujet par la fiction avec Mommy. J’avais vu et adoré Les amours imaginaires et Lawrence Anyways parmi ses précédentes réalisations, mais Mommy place la barre un peu plus haut. En si peu de temps, il semblerait que son cinéma a évolué de façon assez significative, devenant plus mature et moins chargé esthétiquement, ce qui pouvait lui être reproché. Il ne se trahit pas non plus, les ralentis avec des choix musicaux parfois surprenants sont toujours là, mais avec peut-être plus de sens. Et surtout, comme dans Lawrence Anyways, le scénario est fort, distillant sur la durée des scènes d’une rare intensité.

 

       Une mère célibataire qui doit réapprendre à vivre avec son fils hyperactif et violent, il est compréhensible que ça ne fasse pas rêver tout le monde, tant ce genre de sujet a pu être abordé au cinéma, et souvent de façon bien lourde et larmoyante. Si Mommy est bouleversant, c’est de maîtrise de son sujet, abordé de façon frontale et toujours juste. Pour prendre un exemple récent, comme avec La vie d’Adèle le film atteint une certaine universalité sans que l’on soit directement concerné par le sujet (qu’Adèle soit lesbienne ou que le garçon soit hyperactif ne sont pas des éléments qui définissent l’histoire). Les joies et les peines, les douleurs, les traumas des relations parents-enfants sont exposés sans fard, sans détour, et vous cueilleront souvent quand vous vous y attendrez le moins.

 

       Parlons rapidement de la technique, avec une utilisation remarquée du format carré 1:1, qui ne manque pas de surprendre au début du film. L’objectif assez clair d’enfermer les personnages dans un cadre resserré, de nous faire ressentir leur étouffement est une réussite, et Xavier Dolan joue avec ce format de façon virtuose à plusieurs reprises. Il tire également le meilleur parti de ses acteurs, que ce soit dans les scènes dures ou plus légères, on oublie vite qu’on est face à un film. Une grande réussite sur tous les plans, on ne peut qu’attendre avec impatience son prochain film.

 

8.5/10

 

 

 

       White Bird, de Gregg Araki
 

       Gregg Araki forme avec Larry Clarke, Harmony Korine et Gus Van Sant un quatuor majeur des réalisateurs américains actuels spécialisés dans l’adolescense. Chacun sa patte bien définie, du frontal, de l’expérimental, de l’éthéré, il y en a pour tous les goûts. Je n’avais vu que Mysterious Skin d’Araki, mais on retrouve immédiatement son goût pour les marginaux, les couleurs flashys et la bonne musique (ici c’est un peu la compilation des meilleurs synthés des années 80, avec Depeche Mode, Talk Talk, Tears for Fears, New Order et j’en passe). Pas difficile avec tout ça de se sentir plongé en 1988.

 

 

       Encore une fois le sujet va être le mal-être adolescent, mais abordé avec un angle assez original qui est celui du thriller. Coïncidence étonnante d’avoir le même mois trois films articulés autour d’une disparition, avec Gone Girl et Horns, et le faisant tous d’une manière radicalement différente. Pas de fantastique, d’examen du couple au scalpel ou de battage médiatique ici, la mère de l’héroïne disparaît, point. On sait dès le début que l’enquête n’a rien donné, et que l’on va plutôt suivre cette fille qui essaie tant bien que mal de se construire après un évènement tragique et surtout resté sans réponse. Il se maintient pourtant de vagues soupçons autour de son père qui donnent une ambiance particulière au film, mais comme dans les deux autres films cités, ils existent surtout parce qu’il est le coupable idéal aux yeux de tous.

 

       Ici aussi les performances d’acteur sont décisives pour emporter l’adhésion à cette histoire somme toute assez simple, et ils ne sont pas en reste. Eva Green bien sûr, on accrochera ou pas du tout à son rôle désormais bien rôdé de femme hautaine et glaciale, à la limite de cabotiner parfois mais semblant se régaler à jouer de cette image. Christopher Meloni est parfait lui aussi dans le rôle du père soumis à sa femme, simple et honnête comme le Ben Affleck de Gone Girl.  De même il est toujours plaisant de revoir Thomas Jane dans un bon rôle, lui qui n’est pas forcément gâté ces dernières années.

       En tout cas il ne faut pas y aller pour voir un thriller, vous risqueriez d’être déçus, mais c’est un bon moyen de découvrir Araki avec un film très accessible, qui sans être majeur reste une agréable surprise.

 

7/10

 

 

 

        John Wick, de David Leitch et Chad Stahelski

 

       Le bon petit thriller d’action (actioner outre-Atlantique), ou le film de vengeance, ne connaissent pas tellement de bons représentants ces dernières années. On a bien Liam Neeson qui mouline des bras et encastrent des têtes dans des murs depuis Taken, mais ça ne vole pas bien haut et c’est surtout hautement redondant. John Wick, c’est le petit dernier qu’on n’a pas tellement vu venir, par des réalisateurs dont c’est le premier film. Les deux sont en effet des cascadeurs aux carrières bien remplies, avec quelques sommets comme Matrix.

 

 

       Retrouvant donc un Keanu Reeves ayant du mal à retrouver une crédibilité depuis la fameuse trilogie, ils s’attachent à créer un film de vengeance à l’ancienne rappelant un certain Payback, ou ce qu’aurait dû être l’adaptation de Max Payne. On retrouve certains similitudes avec l’homme qui a tout perdu (classique je l’admets), la mafia russe, la multitude de personnages secondaires marquants comme la femme fatale également tueuse, et les lieux de fusillade comme la maison, la boîte de nuit et l’église.

 

       Comme dans le jeu d’ailleurs, l’histoire est relativement épurée et va à l’essentiel, les personnages secondaires sont charismatiques et bien définis en quelques lignes de dialogue, les enjeux sont simples et le film ne se perd jamais en sous-intrigues inutiles. La bande-annonce n’était pas mensongère à ce sujet pour une fois, le type était un ancien tueur à gages ultra-efficace, on lui tue son chien, il va tuer des russes (beaucoup). Une des choses les plus appréciables au niveau du scénario est le refus ou le contournement des clichés habituels de ce genre d’histoire, avec par exemple un méchant loin d’être diabolique et sadique, juste froid et professionnel, comme le héros. On évite les longs discours moralisateurs et les « on aurait pu faire tant de grandes choses ensemble ! », ce qui n’est pas pour me déplaire.

 

       Ne nous mentons pas, on va tout de même voir ce genre de films pour leurs scènes d’action, et sur ce point John Wick ne déçoit pas. Il est évident que l’expérience de cascadeurs des réalisateurs a été décisive sur le tournage, chaque combat étant une vraie prouesse de chorégraphie et d’intensité, où l’accent est fortement mis sur l’efficacité, « à la Jason Bourne ». Mine de rien, cela ajoute un vrai quelque chose au film et au personnage, qui ne fait pas dans le détail mais reste pragmatique avec son attirail bien fourni et, ô miracle, un gilet pare-balle. C’est tout con mais on ne voit pas ça souvent, et ça suffit à rappeler qu’il n’est pas un surhomme malgré ses capacités.

 

       Côté Keanu Reeves, il faut bien avouer qu’il est agréable de le voir revenir en forme comme ça et jouer de son image d’acteur inexpressif tout au long du film. Difficile de ne pas voir quelque chose de personnel dans sa réplique "People keep asking if I'm back… yeah, I'm thinking I'm back". Si ce côté bourru fonctionne à fond dans des moments comme celui-là, on sent quand même une certaine limite sur des dialogues plus banals. Rien qui ne gâche le film non plus, mais disons qu’il n’a pas l’ampleur d’un Tom Cruise qui sait transcender des rôles mineurs, par exemple.

 

       Notons enfin une utilisation de la musique assez jouissive, entre morceaux bien dynamiques pour les scènes d’action et une utilisation judicieuse de chansons comme une inédite de Marylin Manson, collant parfaitement à l’ambiance du film. A l’arrivée on a un bon divertissement sans prétentions de révolutionner le genre, mais qui ne prend pas ses spectateurs pour des jambons, c’est toujours appréciable (Luc, si tu me lis).

 

7/10

 

Arnaud

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