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15 avril 2019 1 15 /04 /avril /2019 10:20

Au diable Cannes, Venise, les Césars et les Oscars. Un seul palmarès de référence, celui de la Dernière Séance ! Bon peut-être pas, mais en tout cas les cinq membres de la rédaction ont tous connu une année 2018 bien remplie et vous dévoilent ici leurs tops 10, et que vous les aimiez ou pas, c'est pareil.

Top films 2018

Romain

 

  1. Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-Eda

J'étais fâché avec les dernières palmes d'or mais ce n'est pas le cas en 2018 avec ce magnifique film de Kore-eda. C'est l'histoire d'une famille aussi atypique que pauvre qui survit grâce aux vols, magouilles et autres petits boulots peu gratifiants sans que le film ne tombe dans le pathos et le misérabilisme facile. Le récit mêle habilement la douceur à la noirceur et porte des interrogations fortes sur le sens même de la famille et de la société avec ces personnages moralement très ambigus. Le dispositif cinématographique est des plus épurés, on suit des tranches de vie, chaque personnage a la même consistance et on s'y attache fortement. L’écriture est tout simplement brillante, idem pour les acteurs tous très convaincants. Un grand film qui fera date.

 

  1. Leto, de Kirill Serebrennikov 

Voici l'un des films les plus rafraîchissants de l'année et au rythme très rock'n'roll, à l'image de son sujet. En narrant l'éclosion de la scène rock à Leningrad dans les années 80, Serebrennikov nous offre là un film à la fois solaire, libre et envoûtant. La mise en scène d'une virtuosité folle est au service d'un film audacieux et qui se renouvelle incessamment, nous proposant des séquences marquantes où on navigue entre fantasme et réalité. Je suis ressorti bouleversé après avoir vécu un véritable périple où j'ai navigué entre toutes les émotions avec plusieurs pics très intenses. Le genre d'oeuvre inventive que j'aimerai revoir plus souvent au cinéma.

 

  1. Jusqu'à la garde, de Xavier Legrand

César du meilleur film amplement mérité pour ce premier long-métrage de Xavier Legrand qui constitue un véritable petit tour de force. Le film évite de sombrer pleinement dans la facilité avec un sujet pas évident à traiter et est bien au contraire d'une grande justesse. Le scénario progresse de façon cohérente et on passe d'un flou total autour de querelles de divorcés à un véritable thriller limite horrifique. A ce titre la fin du film est tout simplement géniale avec une tension intense grâce à une mise en scène et un montage particulièrement intelligents. Xavier Legrand signe là un film glaçant qui aurait pu être un peu plus épuré mais qui comporte tellement de qualités qu'il me paraît difficile de les lui reprocher. On notera également les prestations réussies de Léa Drucker et Denis Ménochet que j'espère revoir dans des films du même calibre. Un nouveau réalisateur à suivre et cocorico qui plus est !

 

  1. Mademoiselle de Joncquières, d'Emmanuel Mouret

La meilleure surprise de l'année écoulée pour ma part. Mademoiselle de Joncquières est un film plastiquement superbe et délectable de bout en bout. Librement inspiré d'une nouvelle de Diderot, le film de Mouret nous propose un récit vivant où on prend un malin plaisir à voir évoluer ces personnages entre sentiments réels, trahisons, faux-semblants et manipulations. Il faut bien sûr adhérer au jeu théâtral des acteurs qui se prête cependant très bien au film d'époque dans un 18ème siècle plein de bouleversements. Et si on retiendra bien sûr les interprétations de Cécile de France et Edouard Baer, difficile de passer à côté de celle d'Alice Isaaz qui est éblouissante de beauté dans ce film. Souvent comique, parfois dramatique, ce film est une véritable bouffée d'air frais et un grand plaisir de bout en bout.

 

  1. Les Frères Sisters, de Jacques Audiard

Vraiment pas déçu par ce western cocorico dont j'attendais beaucoup. Audiard signe ici un film âpre qui n'est pas avare en surprises. Si le récit paraît classique sur plusieurs aspects (relation fraternelle, chasse de primes, etc.), il nous amène souvent sur des fausses pistes et des retournements de situations qui nous prennent plus d'une fois au dépourvu. Si le film est assez noir et amer, il ne délaisse cependant pas une certaine forme d'humour cynique qui est très appréciable. Le quatuor d'acteurs est génial et la mise en scène d'Audiard très inspirée au même titre que la photographie qui contribue fortement à l'ambiance crépusculaire du film.

 

  1. Le 15h17 pour Paris, de Clint Eastwood

Plutôt controversé et mal accueilli à sa sortie, le 15h17 pour Paris est pourtant un film intéressant à plus d'un titre. Clint Eastwood signe un beau film quasi expérimental sur des hommes ayant accompli un acte héroïque et sur les coulisses qui ont abouti sur cet acte. L'occasion de s'intéresser à cette société qui crée des individus façonnés par la guerre, les armes, la violence mais aussi par le sens du sacrifice et de la solidarité. Un film de patriote mais pas de propagande patriotique aveugle et fasciste (coucou Libé), le 15h17 célèbre les individus et surtout l'union des individus. C'est prenant, ça s'attaque à des sujets de fond assez complexes et nuancés, et le trio se débrouille très bien. On sent que cette amitié de longue date rend leurs interactions à l'écran vraiment naturelles. Et la séquence du train s'avère parfaitement maîtrisée. Dommage que le film soit autant interprété de travers alors qu'il est porteur de belles valeurs (même si un peu naïves). 

 

  1. Paranoïa, de Steven Soderbergh

Projet casse-gueule par excellence, Paranoïa s'en sort finalement très bien et constitue une belle réussite. Le film a été tourné intégralement à l'iPhone et ce moyen de réalisation s'avère être parfaitement approprié tant il contribue à rendre l'ambiance oppressante et sordide. En effet l'image est sale, le cadre resserré sur les personnages tel un étau, ce qui colle bien au sujet. Le film joue habilement sur l'état mental du personnage principal et sur sa paranoïa. Pendant une bonne partie du récit, nous sommes dans un flou qui rend le film particulièrement tendu et angoissant.

 

  1. La Forme de l'eau, de Guillermo Del Toro

Sorti en France en 2018, La forme de l'eau (qui a remporté l'oscar du meilleur film il y a un an) est un long-métrage pour le moins troublant. Forcément filmer l'histoire d'amour entre une humaine et une créature sous un angle "réaliste", c'est osé ! Del Toro y arrive cependant très bien avec sa réalisation aux petits oignons qui arrive à rendre cette histoire belle tout en n'hésitant jamais à filmer des scènes crues et parfois sordides. Outre une Sally Hawkins épatante, nous noterons un Michael Shannon inquiétant qui interprète brillamment son rôle de salopard. J'aurais souhaité un peu plus de folie car la romance demeure assez convenue bien que tendre et tout simple mais dans l'ensemble j'ai beaucoup aimé ce film. Et esthétiquement c'est vraiment une franche réussite.

 

  1. L'île aux chiens, de Wes Anderson

Le dernier Wes Anderson marque avant tout par sa forme et son inventivité formelle de tous les instants. Je ne peux pas comparer avec Fantastic Mr Fox que je n'ai toujours pas vu mais j'ai énormément apprécié ce travail d'animation en stop-motion avec une patte visuelle unique et marquante. Loin d'être un simple écrin avec rien d'autre à côté, le film brille aussi grâce à ses dialogues et son humour pince-sans-rire qui fait mouche dans cet univers atypique. Mon seul reproche concerne le rythme du film pas toujours parfait avec quelques passages moins inspirés et superflus au milieu du film (notamment avec l'étudiante qui n'apporte rien). Mais difficile de bouder son plaisir face à cette œuvre qui cumule les réussites et nous embarque dans un univers esthétique exotique et plaisant.

 

  1.  First Man, de Damien Chazelle

Les aventures spatiales m'ont toujours fasciné au plus haut point alors autant dire qu'un film sur LA mission Appolo 11, ça ne pouvait que doper la hype ! Et je dois dire que je n'ai pas été déçu sur cet aspect-là. Les scènes dans l'espace avec ces pionniers qui voyageaient dans des boîtes de conserves volantes sont particulièrement tendues et bien foutues. Ambiance claustro garantie ! Néanmoins le récit de la vie d'Armstrong m'a moins intéressé que les coulisses des missions, d'où mes petites réserves. Mais rien que pour les séquences spatiales où on reste accroché au fauteuil, ce film vaut clairement le coup d’œil.

Top films 2018

 

Arnaud

 

  1. Jusqu'à la garde, de Xavier Legrand

Un film français d’une rare intensité, écrit avec justesse et sans jamais verser dans le larmoyant, une dissection tirée au cordeau (à peine plus d’1h30) des conséquences psychologiques d’un divorce sur toute une famille, mais du point de vue de l’enfant. On se sent aussi désemparé et impuissant que lui, tiraillé entre les deux parents, malmené et peu loquace. Un excellent premier film qui ne sera pas oublié de sitôt.

 

  1. Mektoub, My Love : Canto uno, d'Abdellatif Kechiche

Un autre film français intense, mais d’une toute autre façon. Kechiche nous emporte ici dans un tourbillon de flirts et de sensualité sous un soleil méditerranéen échauffant les esprits. Cette évocation de grandes vacances est troublante de vérité et frappe souvent au cœur quand on ne s’y attend pas. Il faut dire qu’il n’y a que Kechiche pour pondre des fresques de 3h qui ne racontent “pas grand-chose” mais passent tellement vite qu’on aurait voulu rester dans cette ambiance encore plus longtemps.

 

  1. Hérédité, d'Ari Aster

Tout simplement le film le plus terrifiant que j’ai vu au cinéma depuis des années, et sans jamais reposer sur des sursauts faciles. Le fait que l’histoire soit profondément ancrée dans un drame familial aide incontestablement à croire aux personnages, tous paumés et traumatisés à leur façon, essayant de se reconstruire quand leur quotidien bascule par petites touches dans le surnaturel et le dérangeant. On a là un premier film qui s’affranchit des règles de façon assez admirable, nous surprenant à de nombreuses reprises, le tout avec une vraie virtuosité et un jeu sur le hors champ mettant nos nerfs à rude épreuve.

 

  1. Hostiles, de Scott Cooper

Un “western” avec des indiens” qui prend le genre autant à contre-pied que possible. Il n’y a pas vraiment de bon ou de mauvais personnage, que ça soit côté indien ou américain, ils sont tous rongés par le remord, la culpabilité, l’envie de vengeance, les haines passées ou présentes. Un film d’une âpreté et d’une violence rarement vues dans le genre, qui n’hésite pas à taper là où ça fait mal côté colonisation, et qui se permet en prime d’avoir une photographie et une musique remarquables, mettant parfaitement en valeur de grandioses décors. En somme, une belle petite claque.

 

  1. The House That Jack Built, de Lars von Trier

Chaque film du sulfureux LVT est accompagné de son lot de polémiques, et étonnamment celui-ci en a semble-t-il moins provoqué pour son contenu qu’à l’habitude. C’est pourtant un sacré pari, même pour un tel réalisateur, de nous proposer de suivre sur pas moins de 2h32 cinq séquences dans la vie d’un serial killer particulièrement vicieux et obsédé par l’art dans le meurtre. Que dire si ce n’est que c’est fort dérangeant, encore une fois riche d’idées formelles, et que Matt Dillon est bluffant dans un tel contre-emploi ? Si LVT n’existait pas, il faudrait l’inventer.

 

  1. Les Chatouilles, d'Andréa Bescond et Eric Métayer

On ne va pas se le cacher, sur un tel sujet j’avais peur du film balourd, narrant platement et avec pathos des événements ignobles. Et pourtant ! Adaptant sa propre pièce de théâtre (déjà autobiographique), Andréa Bescond réussit l’exploit de nous exposer son traumatisme à la fois frontalement et par de nombreuses astuces de mise en scène et de narration d’une belle inventivité. C’est le genre de rôle qui n’aurait pas pu être confié à une actrice “normale”, vu l’intensité et la hargne qu’elle y injecte. Karin Viard et Pierre Deladonchamps sont simplement incroyables dans des rôles pour le moins complexes.

 

  1. First Man, de Damien Chazelle

Déjà très amateur du travail de Chazelle avec Whiplash et La La Land, ce n’est pas ce film qui va me faire changer d’avis. Oui, je comprends que certains ont pu le trouver un peu plus balisé et que les scènes familiales ne sont pas d’une originalité folle, mais ce qui compte c’est que j’y ai cru, et que le reste est assez bluffant de maîtrise. A part le grandiose L'Étoffe des héros, aucun film ne m’avait fait ressentir le courage de ces hommes de façon aussi viscérale, risquant leur vie dans des boîtes de conserves volantes pilotées quasi entièrement en manuel. L’immersion est totale et la tension y atteint des sommets, démontrant bien que Chazelle est plus que capable de s’attaquer à ce qui ressemblait fort à un biopic casse gueule sans y laisser des plumes.
 

  1. Spider-Man : New Generation, de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman

Enfin un film à la hauteur de son bondissant personnage depuis le Spider-Man 2 de Sam Raimi, soit pas loin d’une quinzaine d’années passées ! Et il s’avère qu’un dessin animé était la solution idéale tant il fait preuve d’une inventivité et d’une générosité débordante. La bonne idée est incontestablement d’introduire le personnage de Miles Morales tout en profitant du multivers pour le faire coopérer avec d’autres versions du héros, parfois assez délirantes. L’écriture est loin d’être en reste, apportant une vraie profondeur et des dilemmes crédibles à tous les personnages, même aux méchants. Un film de super héros qui démontre que le genre n’est pas mort, juste en panne sèche d’auteur inspirés, ou du moins ayant les mains libres pour mener à bout leurs idées.

 

  1. Les Veuves, de Steve McQueen

Le grand retour de Steve McQueen, un peu trop longtemps à mon goût après son fameux 12 Years a Slave, et à mon humble avis bien plus intéressant. Il arrive à brasser de nombreuses thématiques sociales et politiques à travers ce qui aurait pu n’être qu’un “simple” film de casse parmi tant d’autres, que ça soit par la mise en scène ou par les actions de ses héroïnes aussi crédibles que touchantes. La partie braquage et action n’en oublie pas pour autant d’être jouissive, c’est méticuleux au possible et juste assez astucieux pour ne pas en faire trop. Un beau plaisir de cinéma à tous les niveaux.

 

  1. Leto, de Kirill Serebrennikov

Une belle surprise que ce film parvenant à être un biopic à la fois rock’n’roll, rebelle, solaire, nostalgique, le tout avec une sacrée maîtrise de la caméra et du noir et blanc ! En fait autant le dire tout de suite, je n’ai qu’un seul reproche à faire au film : les scènes musicales sont tellement géniales, d’une créativité visuelle folle, que j’en aurais voulu bien plus tant je les ai trouvées marquantes. Cela n’empêche pas l’histoire de ces deux rockers russes aux trajectoires divergentes d’être sacrément poignante, avec un sacré talent pour nous plonger dans la vie de ce groupe d’amis (la scène de la plage est une de mes préférées à cet égard).  Et c’est quand même pas tous les jours qu’on peut entendre du rock russe !

Top films 2018

Martin

 

              1.   Leto, de Kirill Serebrennikov
 

Voilà que vient scruter le sommet de mon classement un film russe en noir et blanc dont je ne savais absolument rien avant sa sortie. Prenant place dans le milieu peu connu du rock underground sous l’Union Soviétique dans les années 80, Leto est, avant d’être un film politique, une véritable ode à la liberté (créative mais aussi des moeurs), incarnée par une galerie de personnages en dérive perpétuelle par rapport à leur environnement. Kirill Serebrennikov fait également de son film une vraie déclaration d’amour au rock et à toute une génération bercée par David Bowie, Lou Reed et autres Marc Bolan, qui culmine lors de séquences musicales prodigieusement inventives. Par leur biais, le réalisateur rappelle la puissance de la création musicale, mais aussi l’amer contraste existant entre le rêve, l’idéal, et la réalité, celle qui s’inscrit dans l’histoire. Rafraîchissant, inventif, bouleversant, mon coup de coeur de l’année !

 

            2.    Mektoub, My Love - Canto Uno, d'Abdelattif Kechiche
 

Difficile d’imaginer meilleur candidat pour titiller les sommets de ce top que le dernier-né d’Abdellatif Kechiche. Le cinéaste français est incapable d’autre chose que de l’excellence et l’a encore prouvé, malgré un accueil timide et une absence quasi-totale des grandes cérémonies. Plus épuré narrativement qu’une Vie d’Adèle, Mektoub n’en reste pas moins une étude fascinante de la notion de frustration et de décalage à travers le regard du personnage d’Amine, probablement l’un des personnages les plus empathiques de la filmographie de Kechiche. Mais, plus que tout, c’est la capacité du réalisateur à peindre le réel, à travers sa caméra, sa direction d’acteurs et l’étirement temporel de ses scènes, qui rend son oeuvre si envoutante. 

 

            3.    Climax, de Gaspar Noé
 

A l’autre bout du spectre du cinéma français, il y a ce grand malade qu’est Gaspar Noé. Climax ne ressemble à rien d’autre : une chronique de moeurs sur une troupe de danseurs l’espace d’une soirée arrosée, virant progressivement au trip cauchemardesque le plus total. Le dernier Noé se conçoit comme une véritable expérience de mise en scène, horrifique et sans échappatoire où le cinéaste use et abuse de tous ses effets de style (couleurs saturées, caméra mobile,plans extrêmement longs, cadrages imprévisibles…). Pas un film que je recommanderais facilement, mais on n’en sort pas indemne. 

 

            4.    Roma, d'Alfonso Cuaron


On a beaucoup parlé de Roma, peut-être pas forcément pour les bonnes raisons (polémique Netflix, hype des Oscars…). Le dernier Alfonso Cuaron est sans doute son film le plus exigeant et, comme chaque oeuvre du cinéaste, un vrai manifeste de mise en scène. Plus immobile qu’à l’accoutumée, la réalisation de Cuaron impressionne par ses compositions sur plusieurs plans, son sens du cadrage précis et sa capacité à convoquer tant le drame historique que la poésie pure au sein d’une même image. Mais, malgré le soin accordé à ces amples tableaux, Roma reste une oeuvre profondément intimiste. A travers le portrait de la jeune Cleo (une Yalitza Aparicio excellente de sobriété), le mexicain revisite ses grandes thématiques : le rapport fragile entre la naissance, la mort, la renaissance, la confrontation entre maternité et hostilité du monde… Le meilleur film de Cuaron s’il n’y avait pas Les Fils de l’Homme. 

 

            5.    Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand
 

Un choix heureux que ce César du meilleur film. Le premier film de Xavier Legrand a ceci de particulier qu’il débute comme un drame social naturaliste, pas très éloigné d’une réalisation des frères Dardenne, pour progressivement dériver vers le film d’horreur jusqu’à un climax anxiogène, moment de tension comme je n’en ai que trop rarement vécu en salle dernièrement. A la fois proposition unique de cinéma de genre à la française, modèle de direction d’acteurs et manifeste l'impressionnante maîtrise pour un Xavier Legrand à l’aube de sa carrière de cinéaste, que je ne peux que lui souhaiter longue et prolifique.  

 

            6.    Utoya, 22 juillet, de Erik Poppe


Probablement mon expérience de spectateur la plus éprouvante de l’année. La lecture lecture fictionnalisée des attentats du 22 juillet 2011 sur l’île d’Utoya proposée par Erik Poppe est une proposition radicale : tout le film donne l’illusion d’un unique plan-séquence et épouse le point de vue d’un personnage, la jeune Kaja, limitant le champ de perception du spectateur à ce qu’elle voit et entend. Les coups de feu qui résonnent au loin et dont on ne voit rien, les longs moments d’attente et d’hésitation, les tentatives illusoires de se distraire au milieu de la catastrophe. Film-choc, Utoya poursuit également, plus d’un demi-siècle après Alain Resnais, la réflexion sur l’impossibilité de représenter l’horreur du réel au cinéma. Le film n’apporte pas de réponse claire au débat mais reste, qu’on adhère ou pas à la démarche, une expérience profondément marquante. 

 

              7.    Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-Eda


Comme à son habitude, Kore-Eda parle de la famille. Il interroge non seulement la nature de ces liens indicibles qui unissent les êtres vivant sous un même toit mais également la tension entre ce que devrait être, idéalement, une famille, face au modèle que lui impose la société. L’approche du réalisateur japonais se veut douce-amère, alternant entre moments de joie, de cohésion, et durs retours à la réalité. La narration d’apparence très épurée, se construit habilement au gré de la présentation successive des personnages, mais aussi de l’histoire sous-jacente de cette cellule familiale atypique. Sobre, intelligent et terriblement émouvant, Une affaire de famille est sans doute ma palme d’or préférée depuis La Vie d’Adèle. 

 

              8.    Spider-Man : New Generation, de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman


Il aura fallu attendre 2018 et un film d’animation produit par le duo Phil Lord/Chris Miller pour que Spider-Man retrouve ses lettres de noblesse au cinéma. Multipliant les expérimentations visuelles et les références au support comics dans une grande orgie de mouvements et de couleurs, Into The Spider-Verse est probablement le film d’animation américain le plus inventif en termes purement visuels depuis… le film Lego. C’est aussi un vrai tour de force narratif, qui reconstruit complètement les codes de l’origin story autour du personnage de Miles Morales tout en faisant intervenir la notion d’univers parallèles au sein d’un récit dense mais étonnamment digeste. Le meta est ici utilisé non pas pour faire des blagues à la Deadpool mais bien pour remettre le doigt sur ce que le matériau d’origine a d’essentiel et d’universel. Incontestablement le meilleur film du genre cette année et sans doute le premier film à la hauteur du personnage de l’araignée depuis le Spider-Man 2 de Sam Raimi. 

 

            9.    La Forme de l’eau, de Guillermo Del Toro


C’est assez émouvant de voir Guillermo Del Toro finalement consacré, via son Oscar du meilleur film, après des années de projets abandonnés et de réception en demi-teinte de ses films. On pourrait reprocher à La Forme de l’eau d’être le Del Toro le plus “oscarisable”, entre romance impossible et célébration du cinéma hollywoodien. Mais le mexicain n’a visiblement pas abandonné sa verve de réalisateur de genre et de grand cinéphile passionné, dont l’amour pour le sujet filmé et toutes les références qui l’accompagnent transpire à chaque plan. Ainsi, on se félicitera que le récit ne soit amputé ni de sa dimension charnelle ni de sa violence, notamment au travers du fascinant personnage de Michael Shannon, vrai méchant de cinéma comme on aimerait en voir davantage. Emouvant, drôle, sombre, La Forme de l’eau est l’un des films de Del Toro les plus complets, et sans doute son plus réussi derrière l’inévitable Labyrinthe de Pan. 

 

             10.    Girl, de Lukas Dhont


Face au sujet extrêmement délicat que représente le transgenrisme, Lukas Dhont fait le choix de traiter du changement de sexe non pas comme un sujet politique mais bien comme une manifestation intime avant tout. Girl parle du changement, et de l’acceptation de celui-ci en tant que processus impossible à écourter. La question du corps est centrale puisque Lara, impatiente à la fois à l’idée de devenir une fille et d’être une danseuse professionnelle, ne cessera de pousser le sien à bout. En cela, le film est parfois éprouvant, mais toujours terriblement juste dans sa dépiction d’un personnage troublé et de ses relations souvent compliquées avec son entourage proche (la relation avec le père est en cela particulièrement belle). Et, s’il fallait une autre raison pour voir Girl, la prestation de Victor Polster est absolument sidérante. 


Mentions honorables : L’Île aux Chiens, Hérédité, Les Frères Sisters, Burning, Phantom Thread.
 

Top films 2018

Robin

 

              1. Hérédité, d'Ari Aster

 

Magistral film d’épouvante qui a fait l’objet d’une critique longue et fournie sur ce blog il y a quelques mois. On vous y renvoie.


              2. Leto, de Kiril Serebrennikov

 

Cette comédie musicale russe en noir et blanc est bien plus que cela. D’une richesse infinie, elle propose tout à la fois des séquences chantées explosives ou mélancoliques, une profusion narrative qui mêle petite romance et grande Histoire, et une mise en forme libre et aérienne, extrêmement rafraîchissante, qui ménage des instants de pure contemplation lyrique. La cure de jouvence de l’année.


              3. Mektoub,  d'Abdellatif Kechiche 

 

A l’instar d’Hérédité, on vous recommande la superbe critique de Martin, qui synthétise les grands traits du cinéma de Kechiche. 


              4. Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand

 

Ce film hybride, entre le film d’auteur tendance cannoise et le pur film d’épouvante, se transcende sur les deux tableaux : drame familial plus terrorisant que n’importe quel métrage horrifique et métrage horrifique plus bouleversant plus que n’importe quel drame familial. Tout est dit.


            5. La Ballade de Buster Scruggs, des frères Coen

 

Les indéboulonnables frères ne nous proposent pas ici un hommage poussiéreux et figé au western classique. Bien que leur mise en scène, ample et majestueuse dans la parfaite lignée des grands ancêtres du genre, y renvoie irrémédiablement, les différents chapitres en revisitent chaque grand archétype pour mieux les détourner, travestis par la bouffonnerie tragique propre au duo, qui imprègne chaque plan de cette anthologie bien plus coennienne que ne l’était True Grit. 


             6. Roma, d'Alfonso Cuaron

 

Netflix fait œuvre utile en produisant cette épopée intime, qui, par l’intermédiaire de son architecture sonore, ses longs plans séquences et sa photographie texturée, semble imprimer à même la pellicule et matérialiser sous nos yeux ébahis, la texture même des souvenirs. Peut-être le film le plus personnel de Cuaron.


            7. Climax, de Gaspar Noé

 

L’enfant terrible du cinéma français frappe fort avec une œuvre à nouveau radicale et impitoyable, qui n’a d’autre objectif que de projeter son spectateur dans un délire cauchemardesque coupablement délectable. Son film est un précis de cinéma psychédélique, qui manifeste une élaboration formelle sans limites, trop rare dans le cinéma d’auteur contemporain qui privilégie la sobriété du cadrage et les teintes grisâtres.  


            8. Spiderman – Into the Spider-verse, de Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman

 

Le film d’animation de 2018, qui a enfin renversé l’hégémonie Disney aux Oscars. Drôle, attachant, abondamment référencé sans tomber dans le pompage intempestif et bien rythmé, le film trouve sa spécificité dans son utilisation magnifique du médium animé, prétexte aux expérimentations graphiques les plus folles et à un rendu comic book renversant. Un régal et un modèle pour n’importe quel superhéros movie en prise de vues « réelle ».


             9. Infinity War, d'Anthony et Joe Russo

 

Le dernier grand Marvel en date est une oeuvre étonnement aboutie avec la gestion fluide de ses multiples storylines, sa mise en scène moins brouillonne qu’à l’accoutumée, qui sublime les capacités de chaque superhéros, son climat baroque de fin du monde et surtout, son premier vrai grand méchant de la saga : le grandiose Thanos. 


           10. Isle of dogs, de Wes Anderson

 

Encore un film d’animation, cette fois-ci en stop-motion, pour clôturer ce top. Anderson semble porter son esthétique à son stade ultime d’incandescence avec cette petite perle, qui lui permet de peaufiner encore plus « kubriquement » chacun de ses plans, et d’offrir une quête chamarrée, aux personnages humains comme animaux diablement attachants. 
 

Top films 2018

Olivier

1. Mektoub My Love : Canto Uno   
2. Une affaire de famille    
3. Roma    
4. L'île au trésor 
5. Jusqu'à la garde   
6. Shéhérazade
7. Under the Silver Lake    
8. Nos batailles    
9. Burning    
10. Seule sur la plage la nuit 

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