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23 juillet 2019 2 23 /07 /juillet /2019 18:39

      Voilà près de vingt ans que Quentin Dupieux (Mr Oizo pour les intimes) redonne vie au cinéma absurde en France avec une poignée de films dont les synopsis n’auront pas manqué d’écarquiller les yeux des spectateurs peu avertis. Après avoir filmé, entre autres, les aventures d’un pneu serial killer ou encore d’un cinéaste en quête du cri parfait pour son prochain film, le réalisateur s’attaque cette fois-ci à Georges, un quadra qui a tout plaqué pour s’acheter une veste 100% daim. C’est au tour de Jean Dujardaim...din d’occuper cette fois-ci le rôle principal dans un nouveau registre comique pour l'acteur, bien éloigné des teintes parodiques d’OSS 117, des sketchs balisés de Chouchou et Loulou ou encore des comédies mongoloïdes à base de surfeur niçois. Un nouveau rôle dans un nouveau registre mais hélas pas forcément dans le meilleur représentant du genre, Le Daim étant typiquement le type de long-métrage dont le résumé s'avère finalement plus drôle que le film en lui-même.

Le Daim

Durée du film : 1h17

Durée ressentie : 2h17

 

       Pour être parfaitement honnête je ne suis pas familier du cinéma de Dupieux, n’ayant vu de lui que Réalité que j’ai beaucoup aimé à sa sortie pour sa multitude d’idées loufoques et cette drôle d’ambiance naviguant entre comédie absurde pure et malaise diffus. Le Daim marque comme une sorte de rupture avec cette atmosphère, entrant davantage dans une ambiance plus terre-à-terre qui n’en délaisse pas moins certains codes propres au réalisateur, à commencer notamment par cette esthétique reconnaissable entre mille. Mais contrairement à Réalité qui nous perdait habilement et de façon progressive dans un univers régi par le non-sens, le nouveau film de Dupieux reste quant à lui très clair et lisible. Et c’est peut-être là où le bât blesse le plus fortement tant on devine à chaque instant les intentions du cinéaste sans être réellement surpris par ce que l'on s'apprête à découvrir.

 

       Le film va exclusivement se focaliser sur ces enjeux de crise de la quarantaine à base de quête initiatique absurde, ce qui donne un film radical qui ne s'écarte jamais de son idée de départ et garde une certaine cohérence narrative. Si ce concept et la façon de faire ont de quoi plaire à certains amateurs d’humour loufoque (dont je suis plutôt client), difficile d’y déceler pour ma part quelque chose à gratter en plus. Ce qui me plaît tant dans les longs-métrages des Monty Python ou dans Réalité, c’est la capacité de ces films à nous surprendre, à glisser un élément sorti de nulle part qui contribue à créer un comique de situation qu’on ne voit absolument pas venir. Et c’est finalement ce qui manque cruellement dans ce film 100% daim qui va difficilement surprendre une fois passées les 15 premières minutes tant la mécanique semble réglée méthodiquement, sans aucun détour possible.

Le Daim

       Le film donne plus d'une fois cette impression gênante d’avoir un cinéaste qui te prend par la main pour te montrer de façon démonstrative toutes les idées de génie de son film. Il y a certes des instants très drôles où il est difficile de dissimuler ses rires notamment à partir du basculement de Georges dans la zone de non-retour mais cet humour se renouvelle bien trop peu. Nous assistons alors à une narration assez molle parfois émaillée de bonnes idées mais qui demeure assez vaine malgré les séquences osées, notamment au niveau de la violence. Le manque de surprise général crée dès lors ce rythme bâtard peu palpitant qui peine à maintenir un intérêt constant tout le long du visionnage. 

 

       On ne pourra pas reprocher à Dupieux sa mise en scène qui va dégoter de belles idées et qui sait filmer l’absurde aussi bien que le crade. On ne lui reprochera donc pas cette patte visuelle marquée par ces longs plans qui permettent de laisser l'absurde s'installer et infuser ainsi que cet étalonnage particulier qui contribue à l'ambiance du film. La photo est assez moche sur le papier, très délavée, mais elle colle si bien avec cet aspect sale et sauvage que Dupieux développe d'où une certaine cohérence formelle qui est un des points forts du film. On ne reprochera pas non plus à Dujardin d’être l’acteur idéal pour le rôle tout comme on ne reprochera pas à Adèle Haenel de montrer une fois encore que son style spontané et naturel peut s’adapter parfaitement à bien des registres cinématographiques. Elle est définitivement une des meilleures actrices françaises actuelles.

 

     On reprochera cependant au film cette paresse, ce côté assez vain à l'arrivée et cette impression de tourner en rond qui était certainement une volonté de Dupieux mais qui peine à présenter un réel intérêt sur un long-métrage. La fin brutale aura au moins le mérite de bousculer un peu ce voyage en Absurdie tout en laissant (enfin) un champ libre à davantage d'imagination pour faire respirer ce récit trop cloisonné. Le système Dupieux peut vite rencontrer ses limites si le cinéaste persiste sur cette voie qui pourrait dangereusement enrouiller ses rouages. Un moment de cinéma qui peut se montrer plaisant autant qu'il peut nous amener à nous poser cette question: Tout ça pour ça?

 

Romain

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11 juin 2019 2 11 /06 /juin /2019 13:44

Un rapide coup d’œil à la liste des Palmes d'or rappelle à quel point il est rarissime qu'un film "de genre" décroche le trophée cinématographique tant convoité. A l'humble avis de la personne écrivant ces mots, ce n'est pas arrivé depuis le séisme Pulp Fiction il y a déjà 25 ans (quand même). Comme souvent, on ne pourra que constater le réveil un peu tardif pour célébrer certains réalisateurs/acteurs reconnus, puisque Memories of Murder et The Host n'avaient pas été retenus dans la sélection officielle du festival. C'est donc son 8ème film que nous allons détailler ici, marquant le retour en Corée de Bong Joon-ho, après être passé par une coproduction internationale et une exclusivité Netflix.

Parasite

Ce retour se fait par un film qui va disséquer, au travers d'un scénario malin et bien ficelé, les rapports de classe en Corée du Sud. Il est d'ailleurs étonnant de constater que le point de départ est très proche à de nombreux niveaux de la Palme d'or précédente, Une affaire de famille (une famille asiatique très pauvre, tassée dans un appartement miteux et exigu, cherche à survivre de petites combines en restant soudés). La famille de Ki-taek, joué par l'inénarrable Song Kang-ho, arrive à mettre le pied dans la porte des riches Park quand le fils doit remplacer un de ses amis étudiants pour donner des cours d'anglais à la fille des Park. Le rythme de la première partie est métronomique, avec le plan de la famille pauvre se déroulant à merveille et de façon assez jouissive, suivant quasiment la mécanique d'un film de casse. On sait d'emblée que tout cela n'est que temporaire, que le point de rupture approche inexorablement, le film nous ayant distillé les indices selon les codes du film d'horreur plus que du drame social à ce stade. Bong Joon-ho en profite donc pour disséquer durant cette première partie les tares de ces deux familles que tout oppose en apparence, sans tomber facilement dans les clichés sur les riches et les pauvres. Les Park ne sont pas nécessairement cruels et hautains, c'est plutôt le jeu de miroir entre les deux familles qui met en relief les différences criantes de préoccupations qu'elles peuvent avoir, tout en développant soigneusement les relations entres les différents personnages.

 

Quand l'évènement tant attendu provoque cette rupture (je ne le dévoilerai pas ici), on entre distinctement dans la deuxième partie du film, on entendrait presque les rouages qui accélèrent en coulisses à mesure que la tension monte et que les problèmes s'accumulent pour les personnages. C'est dans cette partie que s'empilent plusieurs séquences mémorables, où le talent du réalisateur pour mêler suspense à couper le souffle et humour visuel. On ne boudera jamais une production ambitieuse parvenant à allier pur divertissement et critique de société acerbe, pour autant si j'ai bien une chose à reprocher au film, c'est qu'au-delà de sa mécanique parfaitement huilée, j'attendais qu'il aille plus loin, surtout sur le second point. Les différentes métaphores sur la lutte des classes restent assez évidentes (les pauvres vivant dans un entresol d'un quartier miteux, littéralement sous les riches, se trouvant eux dans une maison d'architecte surplombant la ville), les interactions entre personnages sont tout à fait crédibles et promettent beaucoup, mais le jeu de massacre annoncé n'est pas aussi jusqu'au-boutiste que l'on pouvait attendre, que ça soit au propre ou au figuré. La résolution m'est en effet apparue un peu abrupte, et si la toute fin n'est pas dénuée d'émotion, je suis un peu resté sur ma faim. N'ayant pas vu le temps passer, je n'aurais pas été contre un film plus long qui aurait plus exploité la tension psychologique entre les deux familles.

 

Comme je le disais plus haut, on pourra arguer que cette première palme coréenne va plus à un film-somme pour son auteur (et le cinéma coréen récent) qu'à une œuvre réellement novatrice ou qui chercherait à casser les codes. On y retrouve la lutte des classes et le côté huis clos de Snowpiercer, le drame intime de Mother, la famille soudée de The Host, la comédie qui surgit au milieu du sérieux et du drame de Memories of Murder, et on pourrait intervertir certains de ces connexions. Si on rajoute une pincée de The Housemaid et une autre de Get Out, pour sortir du cinéma coréen, on a à peu près le tableau. Que dire de plus alors ? Pour moi cette simple énumération résume aussi bien les qualités que les limites du film, on a un pot pourri de bonnes influences réglé comme un coucou suisse, qui pourra plaire autant aux amateurs de cinéma coréen que de films de genre ainsi qu'au grand public (ce qui reste relativement rare pour une Palme), mais à mon goût ne transcende pas les différents thèmes qu'il aborde comme avaient pu le faire Memories of Murder et The Host, je n'y vois donc pas son film ultime. Ceci étant dit, contrairement à ce que pourrait laisser croire le ton de la critique, le film est bourré de qualités et c'est évidemment à voir au cinéma, à revoir avec plaisir même. Je ne peux simplement pas dire qu'il m'aura mis une claque ou m'aura laissé penseur pendant plusieurs jours comme certains de ses prédécesseurs, que ce soit côté Palme d'or ou chez Bong Joon-ho.

 

Arnaud

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