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2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 19:13

       La voilà enfin, la fameuse conclusion. Le résultat de 11 ans de production, 22 films, un univers partagé qui aura changé la face de l’industrie hollywoodienne, et une communication savamment gérée tout le long du processus. Non, Avengers : Endgame n’est pas le dernier film du Marvel Cinematic Universe, loin de là. En revanche, le film s’impose bel et bien comme le point d’orgue d’un arc narratif préparé depuis 2008 : celui des Avengers originaux et des Pierres d’Infinité. Après un Infinity War gargantuesque dans ses ambitions et étonnamment réussi, les yeux du monde étaient rivés sur Marvel Studios et les frères Russo, censés délivrer le blockbuster ultime. Et si le film semble d'ores et déjà prêt à exploser tous les records possibles en matière de box-office, il reste à voir si sa proposition est à la hauteur de ces attentes dantesques. 

Avengers : Endgame

      Difficile d’aborder Endgame sans évoquer la fin choc d’Infinity War. Le troisième Avengers se clôturait sur la victoire de l’impitoyable Thanos qui, à l’aide des six Pierres d’Infinité, avait fait purement et simplement disparaître la moitié des êtres vivants de l’univers. La première défaite cuisante des Vengeurs ne laissait aucun doute sur la nature de la trame de cette suite. Endgame voit bel et bien les super-héros survivants lutter pour tenter d’inverser le plan de Thanos et de ramener à la vie leurs proches évacués en fumée. Ces rescapés comptent en leur sein, comble du hasard, l’intégralité des Avengers tels qu’ils étaient présentés dans le premier film de Joss WhedonIron ManCaptain AmericaThorHulkBlack Widow et Hawkeye. Et là où Infinity War prenait des airs de crossover géant en faisant cohabiter des alliances improbables, sa suite se recentre plus que jamais sur les personnages par qui tout a commencé, donnant au projet une forme de grand baroud d’honneur avant le passage de flambeau. 

 

      Passé un premier quart-d’heure étonnant, qui prouve que Marvel avait encore quelques surprises dans sa besace, le premier tiers du film est étonnamment posé. Après les ravages causés par Thanos, une heure entière du long-métrage se place ainsi sous le signe du deuil et de l’échec. Un parti anti-spectaculaire et résolument osé, qui fait un bien fou au sein d’un MCU trop souvent habitué à traiter toute gravité par dessus la jambe, tout en faisant honneur à la conclusion tragique d’Infinity War. Tout ce segment est aussi l’occasion de re-présenter successivement les personnages principaux, en rappelant leur background et les raisons de leur combat, un habile jeu de rimes avec le premier acte de l’Avengers de 2012. 

Avengers : Endgame

      Retrouver un sérieux si solennel et un semblant d’intimité au sein de l’univers est rafraîchissant, même s’il ne faut pas non plus demander au MCU d’avoir la gravité d’un The Dark Knight ou un Watchmen. L’humour est d’ailleurs toujours très présent et centré autour de quelques personnages : Ant-Man bien sûr, mais aussi de manière plus surprenante Thor ou Hulk avec lesquels les scénaristes se sont amusés à détourner les attentes, parfois à l’excès. On se doute toutefois que ce long premier acte, nécessaire pour réétablir les enjeux et motivations des héros, n’est qu’un prélude. Le coeur du film, c’est-à-dire la quête pour inverser les méfaits de Thanos, retrouve une tonalité plus habituelle chez Marvel, mais se construit surtout comme une grande entreprise d’hommage et de référence à l’ensemble des films déjà sortis. Le fan-service est bien évidemment de sortie, omniprésent et parfois encombrant, mais souvent inscrit dans cette même logique de cimenter la cohérence de l’univers, et de clôturer les trajectoires de ses personnages clés. 

 

      Car c’est là le vrai projet du film, plus que jamais concentré sur ses héros en collant et leur parcours. Chacun des six Avengers originels voit son arc narratif se conclure dans Endgame, avec plus ou moins de succès selon les protagonistes. Si le traitement paresseux de l’éternel déchirement de Hulk a de quoi laisser sceptique, Thor trouve, derrière l’orientation résolument plus comique donnée à son personnage, de véritables instants de grâce faisant écho à son passé tourmenté. Hawkeye et Black Widow ont quant à eux droit à quelques scènes poignantes, et sont au coeur de l’un des ressorts émotionnels centraux du film (hélas partiellement raté), mais on peut sans doute blâmer Kevin Feige et les exécutifs de chez Marvel pour ne jamais avoir daigné leur consacrer un film solo qui aurait pu les faire évoluer au-delà de leur rôle de seconds couteaux. 

Avengers : Endgame

      Mais ce sont bien évidemment Tony Stark et Steve Rogers qui retiennent l’attention, plus que jamais portés par leurs deux interprètes. Les vétérans et patrons de l’équipe sont indéniablement au coeur de tous les enjeux posés par le film et voient leurs arcs respectifs se conclure de la plus belle des manières. La plupart des scènes émotionnellement fortes et des moments à la symbolique puissante dépendent des deux héros, plus que jamais porte-étendards des grandes valeurs marveliennes que sont l’héroïsme et le sens du sacrifice. Mais Endgame ne néglige pas une dimension trop souvent reléguée au second plan du cinéma super-héroïque : celle de l’homme derrière le masque. Le versant humain, sensible, friable, de Stark et Rogers se voit ainsi remis au premier plan alors que le script exploite constamment les grands dilemmes moraux habitant les deux protagonistes, l’éternelle tension entre désir et sens du devoir. 

 

      Face à un casting principal plus mis en valeur que jamais, les autres héros de l’écurie Marvel ont parfois du mal à s’imposer. Dans la lignée de son film éponyme, le rôle de Captain Marvel tient ainsi plus du gros pétard mouillé que d’autre chose, là où le traitement d’Ant-Man est plutôt plaisant mais dénué de tout poids dramatique. La mise en retrait de Rocket, esseulé sans ses compagnons Gardiens, est par contre heureusement compensée par la place que prend Nebula, personnage sous-exploité au sein de sa propre licence et qui trouve ici une épaisseur bienvenue. Enfin, difficile de ne pas évoquer le cas Thanos. Le méchant avait fait forte impression dans Infinity War et s’était imposé comme l’antagoniste le plus menaçant, charismatique et complexe du MCU. Mais là où le précédent film était construit autour de son vilain, ce dernier a dans Endgame un rôle plus classique d’opposant relativement binaire. Cette mise en retrait fait sens au vu du choix du film de se recentrer sur ses héros, mais il est dommage que le personnage perde l’ambiguïté et la portée tragique qui l’avaient rendu si mémorable lors de sa précédente apparition. 

Avengers : Endgame

     Au milieu de ce long recensement de personnages, on serait presque tenté d’oublier deux acteurs majeurs : les frères Russo. Les deux metteurs en scènes mettent ici en boîte leur quatrième film au sein du MCU et leur second Avengers. Et si un peu de progrès a été fait depuis The Winter Soldier et son horrible shaky cam, force est de constater que les deux frères restent de piètres réalisateurs. Leur mise en forme se cantonne à des choix de réalisation fonctionnels, souvent désincarnés, hélas pas à la hauteur de la portée grandiose de leur film, entre champ-contrechamp académique et photographie grisâtre. Il y a pourtant quelques vraies réussites, une poignée de plans picturaux qui marqueront la rétine, mais l’ensemble reste bien trop scolaire. 

 

     La longue bataille finale, attendue pendant tout le film et constituant presque sa seule scène d’action, est certes impressionnante par ses proportions et son nombre de moments iconiques. Mais il manque un vrai metteur en scène à la barre, capable de mettre l’intime et le spectaculaire au même plan, de conjuguer envolées héroïques et brutalité saisissante, de jouer avec les échelles et le gigantisme de la situation. La séquence reste un énième rappel qu’en matière de bataille épique, aucun film hollywoodien ne sera arrivé à la cheville de Peter Jackson et sa trilogie qu’on ne présente plus (d’ailleurs plus ou moins ouvertement référencée dans cette mêlée finale). 

Avengers : Endgame

      Cette réserve amène une conclusion qui ne fait que se répéter de films en films : non, le MCU n’est pas et ne sera jamais du grand cinéma. La logique commerçante de Kevin Feige et sa clique ne laisse que peu de place à l’expression artistique, hormis quelques exceptions isolées (James Gunn, dont le retour sur Les Gardiens de la Galaxie 3 est une bénédiction). Les frères Russo ne rejoindront jamais Sam RaimiTim BurtonChristopher Nolan ou encore Guillermo Del Toro qui ont tous su adapter le matériau super-héroïque et le tordre pour le conformer à une vision d’auteur sans compromis. 

 

      Si toutefois on accepte ce constat, bien établi depuis des années, et que l’on reçoit Avengers : Endgame pour ce qu’il est, à savoir l’aboutissement d’un entreprise ambitieuse préparée depuis près de dix ans, on peut être à mesure de l’apprécier à sa juste valeur. Avengers 4 est un film-somme au sens le plus premier degré du terme, et tire davantage sa valeur de tout ce qui l’a précédé que de son pur accomplissement en tant qu’oeuvre d’art. C’est parce que l’on suit Tony Stark, Steve Rogers et les autres depuis tant d’épisodes que l’on connaît leurs forces, leurs faiblesses et leur dilemmes et qu’on est à même de les suivre dans cet ultime combat. L’excès de générosité d’Endgame, bouffi de références et de détours scénaristiques pour ne laisser aucun personnage sur le carreau, prend tout son sens dans cette volonté de boucler la boucle, quitte à laisser sur le carreau les spectateurs peu réceptifs aux péripéties des héros marveliens. Pour les autres, le sentiment d’apothéose et d’accomplissement face au chemin accompli sera bien réel. 

Avengers : Endgame

      Il reste toutefois une question à poser : que va-t-il advenir du MCU après Endgame ? Bien évidemment, le film pose les bases d’une suite en donnant des indices quant au destin de certains personnages et de qui formera la future équipe des Vengeurs. Mais il paraît difficilement envisageable que l’univers partagé parvienne, en repartant de zéro, à établir des enjeux aussi englobants et aussi savamment distillés film après film, tout en recréant une équipe au charisme égal. Une approche moins interconnectée et laissant plus d’indépendance aux réalisateurs pourrait être la voie à suivre. C’est ce pour quoi le studio a opté de manière payante avec James Gunn et c’est également ce vers quoi semble se diriger le concurrent direct, le DCEU. On imagine toutefois mal Marvel Studios lâcher la bride après dix ans d’un régime qui les aura progressivement menés aux sommets de l’industrie hollywoodienne. 

 

 

Martin

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