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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 00:34

       Difficile de savoir par quoi commencer pour parler de Polisse. J’ai hésité à débuter de façon classique par un petit rappel de l’histoire du cinéma policier français, mais ça ne me paraît pas si judicieux. Peut-être parce que Polisse n’est pas un film policier « comme les autres », il ne s’attache pas spécialement à suivre les codes du genre, ni à divertir agréablement son spectateur. Polisse est film rageur, nécessaire, qui porte en son sein une énergie dévastatrice qui ne peut laisser le spectateur indifférent.

 

http://static.lexpress.fr/medias/1390/711770_polisse.jpg

 

 

 

       Le film policier a ses codes bien définis et rare sont ceux qui les défient avec succès. Dans 90% des cas le sujet du film est un (des) meurtre(s), et partant de là une enquête pour retrouver le(s) coupable(s). Par exemple, le duo de policiers mal assortis, jeune/vieux, blanc/noir, homme/femme est une presque une constante. Les codes ne sont pas forcément des entraves à la qualité, si le scénariste parvient à ne pas se cantonner aux clichés vus et revus.

 

 

       On est bien loin de tout ça dans Polisse, puisque l’on suit la routine d’une équipe de la brigade de protection des mineurs, avec une mise en scène quasi documentaire. Maïwenn ne recherche pas la beauté du cadre ou de l’éclairage, mais plutôt la vérité chez ses acteurs. Comme elle l’expliquait en personne à la fin de l’avant première, elle ne donnait à ses acteurs des dialogues que pour qu’ils en suivent les grandes lignes. Pas question de jouer de façon théâtrale mais plutôt d’y mettre ses tripes, sa personnalité, de s’investir dans son personnage pour un jeu proche du naturel, quitte à sonner faux parfois. Ce procédé se montre très efficace pour convaincre le spectateur et l’embarquer en quelques minutes parmi cette équipe, après un générique de début doté d’une idée de génie (je vous en laisse la surprise).

 

 

       Le film propose une sorte de mise en abîme par le personnage que joue Maïwenn, photographe candide qui joue en quelque sorte le même rôle que le spectateur. D’abord choquée, troublée, mais vite intégrée au groupe, elle s’habituera tant bien que mal à cette terrible routine, comme nous. Son personnage prend des photos sur le vif, dans les moments poignants, comme n’importe quel photographe, et le personnage de Joey Starr remettra cette pratique en question violemment en l’assimilant à du misérabilisme. Ce qui remet en question le film lui-même, puisqu’il touche le spectateur en le mettant face à des situations déchirantes. Maïwenn répond à ce problème en nous montrant aussi  la « vraie » routine de ces policiers, comme leurs repas, leurs pauses, leurs sorties, et leur vie privée une fois le travail fini.

 

 

       Ceci permet au film de ne pas être étouffé dans le cadre policier, de découvrir des personnages blessés dans leur vie personnelle, et ainsi d’avoir plus d’empathie à leur égard. On découvre à leur côté des affaires qui font froid dans le dos, on partage les interventions, les blagues, les doutes, les engueulades, on partage tout comme le fait la photographe, et ce très naturellement, sans le moindre ennui.

       Ce qui décuple la charge émotionnelle du film et l’empêche de tomber dans le pathos, alors que le sujet s’y prête tout à fait, c’est le mélange fort entre humour et drame. Comme dans d’autres films policiers, les personnages blaguent à propos du pire simplement pour le supporter au quotidien, pour ne pas risquer de craquer. Le scénario se montre très intelligent lorsqu’il traite des conséquences sur la vie privée d’un tel travail, qui laisse forcément des traces et dont il est presque impossible de parler à son conjoint.

 

 

       La transition est toute faite pour parler de Joey Starr, qui interprète son personnage de flic qui prend son métier trop à cœur avec une intensité et une vérité bouleversante. On peut penser ce qu’on veut de l’homme et de ses actes, mais force est de constater que c’est un grand acteur, et que son rôle dans ce film en marquera plus d’un. Il suffit de voir sa scène avec l’enfant au commissariat ou celle où il se confie sur son travail pour en être convaincu. Mais les autres acteurs ne sont pas en reste, Karin Viard et Marina Foïs les premières, bluffantes lors d’une scène commune d’une rare intensité (que je ne dévoilerai pas ici bien sûr).

 

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       Jusqu’ici je n’ai que peu parlé du sujet du film, et pourtant en voilà un difficile s’il en est. Le genre de sujet qui annonce au spectateur qu’il ne va  pas passer un bon moment, qu’il faut avoir envie d’aller voir. Un sujet sensible et complexe, voire tabou, qui est rarement abordé aussi frontalement. Maïwenn choisit de nous immerger dans ces affaires sans fard, sans garde fou, et le spectateur que nous sommes assiste à de nombreux témoignages et interrogatoires perturbants, voire difficiles à soutenir pour certains. Entre la candeur et la naïveté des enfants, le mépris glaçant de quelques adultes et les réactions des policiers, tout est à la fois crédible et étudié pour déstabiliser le spectateur. Les affaires sont multiples, et le film n’est pas là pour nous prendre par la main et nous réconforter, on ne saura pas toujours comment telle affaire se finit, simplement parce que c’est ainsi que les policiers le vivent.

 

 

       Par conséquent dès que les personnages ont un répit, le spectateur le ressent pleinement avec eux. La scène en boîte de nuit en est la parfaite illustration, la musique choisie est légèrement planante, les personnages sont heureux, dansent ensemble, on ressent l’union très forte du groupe et leur volonté d’oublier leur boulot pour un moment. L’instant est vécu pleinement, presque en temps réel, avec une certaine poésie et une humanité très forte. On rit avec eux, on vibre avec eux, et quand par la suite une terrible nouvelle arrive on ne la prend que plus violemment dans la figure. Le film fonctionne comme ceci à la perfection, ne nous laissant jamais de répit du début à la fin.

 

 

       Plus qu’un simple « film sur la brigade des mineurs », ce qui serait bien trop réducteur, c’est surtout un film sur les hommes, leur beauté et leur cruauté, sur les limites de la justice et les frustrations de ces policiers qui ne peuvent pas aider tout le monde. On ressent pleinement cette rage, cette impuissance à travers plusieurs affaires, lorsque les personnages se heurtent à leurs supérieurs, à des impossibilités techniques ou logistiques, à des problèmes au sein de l’équipe. Ce travail ne peut laisser personne indemne, mais il faut des gens assez courageux pour le faire. Maïwenn parvient à nous bouleverser sans les glorifier ni les plaindre, et c’est probablement le plus bel hommage que l’on pouvait leur rendre.


9/10


Arnaud

 

[L'avis de Romain]

 

Brillant film que ce Polisse qui détourne les codes du film policier pour nous brosser un portrait de la Brigade de Protection des Mineurs réaliste et tout en justesse qui brille par la qualité de son interprétation (Joey Starr est vraiment déchirant) et la puissance de son propos. Plus qu'un simple film sur la police, Polisse touche aussi à l'humain et ses limites. C'est plein d'humanité, de bonnes intentions. Le style "caméra à l'épaule" peut lasser mais il est pertinent, ça apporte au côté réaliste du film. Une très bonne surprise.

 

8/10

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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 15:29

 

       On continue notre tour d’horizon cannois avec notre critique du dernier film d’un habitué de la Croisette à savoir Pedro Almodovar (Volver, Parle avec Elle…). Connu pour souvent mettre en scène, et en valeur, la gent féminine et son goût prononcé pour les personnages dérangés, le cinéaste espagnol récidive ici avec ce qui pourrait bien être son œuvre la plus malsaine. En tête d’affiche Antonio Banderas, l’ibère, le vrai, dans un rôle qui lui sied à merveille. Pas de prix à Cannes cette année pour l’ami Pedro mais l’œuvre qu’il a réalisé reste néanmoins remplie de qualités à défaut d’être brillante. Vamos! 

 

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       L’histoire de La Piel que Habito est adaptée du livre Mygale de Thierry Jonquet. N’ayant pas lu cet ouvrage, je ne pourrais donc pas effectuer de comparaisons. En tout cas force est de constater que ce que l’histoire du film, elle fait mal…

       Ça commence très doucement, l’ambiance si particulière du film s’installe progressivement et la première heure est plutôt l’heure des interrogations. La structure narrative utilisée par Almodovar est plutôt intéressante. Ce n’est pas linéaire, l’utilisation des flashbacks est assez originale, on se contente pas d’une structure présent-passé-présent mais justement on voyage à travers le récit à plusieurs étapes du passé sans que ces étapes nous soient relatées forcément de manière chronologique et j’ai trouvé que c’était bien pensé pour le bon avancement des enjeux de l'intrigue.

 

       Le film brasse quelques thèmes, et le cinéaste espagnol reste plutôt fidèle à lui-même. On y parle d’amour, de fantasmes, de folie, de plaisir charnel… Malgré cela l’œuvre n’est pas tellement sensuelle pour autant, on a plus affaire ici à une atmosphère glaciale, médicale et relativement glauque.

       Comme je l’ai dit précédemment la première heure est davantage prétexte aux interrogations et le plus grand mystère qui règne durant cette partie du film est le personnage de Vera. Qui est-elle ? Pourquoi accepte-t-elle de servir de cobaye pour la création d’une nouvelle peau ? Quelle est sa relation avec le chirurgien ? C’est assez troublant de voir évoluer ce personnage avant de découvrir les diverses révélations à son sujet. D’ailleurs les personnages sont une grande force de ce film. A la fois vrais et improbables.

  

http://www.silence-action.com/wp-content/uploads/2011/06/Elena-Ayana-La-Piel-que-Habito.jpg

 

       Antonio Banderas est très convaincant dans son rôle de chirurgien meurtri par les aléas de la vie. Sa femme est morte brûlée, sa fille souffre de gros troubles psychologiques et il est obsédé par la création d’une nouvelle peau solide qui aurait certainement pu sauver son épouse. Son personnage évoque ce problème de non-acceptation de la mort d’un proche et de sa culpabilité par rapport à celle-ci. Ceci entraînera une obsession morbide, la naissance d’un fantasme vis-à-vis du corps humain qu’il souhaite pouvoir contrôler, modifier à sa guise et obtenir ce qu’il a imaginé dans son esprit dérangé et rongé par la douleur. Ce personnage est très inquiétant.


       A côté nous avons Vera, interprétée par la pulpeuse Elena Anaya, cobaye de son état et victime d’un traitement peu banal et très malsain. Les révélations à son sujet viendront alimenter le climat terrible du film. Par contre c’était assez prévisible à partir d’un certain point même si ce n’était pas maladroitement amené. Les autres interprètes sont également bons, la direction d’acteurs ne souffre vraiment d’aucune carence.

 

http://www.cinemovies.fr/images/data/photos/14396/la-piel-que-habito-2011-14396-2140466857.jpg


       L’ennui avec La Piel que Habito c’est que la forme ne suit pas le fond. Je ferais impasse sur ce générique de début complètement ringard et digne d’un épisode de Camping Paradis pour me concentrer sur la mise en scène qui malheureusement m’a paru bien rachitique. Alors ce n’est pas mal réalisé, loin de là, mais ça manque de génie et cette formé dénuée d’intérêt ne sert pas brillamment le propos du film, Almodovar a manqué d’ambition à ce niveau.


       C’est propre et lisible certes, le montage est très bon, mais honnêtement durant la majorité du film ça manque vraiment d’éclat. Dans sa globalité la mise en scène est plate, sans relief, il n’y a pas cette saveur qui pimentait un peu le faible récit de Talons Aiguilles par exemple. Disons qu’esthétiquement parlant le travail semble avoir été bâclé, Almodovar aurait pu rendre ce film plus oppressant, gagner en noirceur mais ce n’est pas le cas. Le génie dans le cadrage est absent mais il y a tout de même de bonnes idées visuelles, je pense à ce jeu de regard à distance où Vera fixe mélancoliquement la caméra tandis que Banderas l’observe sur l’écran de la télévision, c’est une très belle scène. Le genre de scènes trop rares dans le film hélàs.

 

http://www.silence-action.com/wp-content/uploads/2011/06/La-Piel-que-Habito.jpg

 

       En résumé, Pedro Almodovar livre ici un film de qualité mais qui brille davantage par son fond. Je ne saluerais pas une grande adaptation car le cinéaste semble avoir effectué le service minimum, la mise en scène manquait de puissance. Un bon film, pas exceptionnel ni palpitant, mais dôté d’une ambiance convaincante et ma foi assez dérangeant. Il devrait ravir les fans du réalisateur espagnol mais aussi convaincre quelques néophytes amateurs d'histoires sinistres et peu banales. Une des oeuvres les plus fascinantes du cinéaste en tout cas, c'est certain.

 

7/10

 

Romain

 

 

[L'avis d'Arnaud]

Le plus célèbre des cinéastes hispaniques nous revient avec une histoire à faire froid dans le dos, bien différente du reste de son oeuvre même si l'on y retrouve ses obsessions. Le secret, le mensonge, la famille, la mort, la chair, tout ceci se même dans un scénario très efficace. Antonio Banderas est vraiment bluffant dans son rôle de chirurgien hanté par la mort de sa femme, travaillant sans cesse, et entretenant une liaison mystérieuse avec une jeune femme qu'il retient prisonnière. Sur cex deux points là, je n'ai rien à redire, Almodovar semble effectué un bon travail d'adaptation (je n'ai pas lu le livre je précise) et dirige ses acteurs à la perfection. 

J'ai été nettement moins convaincu par son travail de metteur en scène sur le plan purement technique, il a tendance à enchaîner plans fixes cadrés sans génie, champ/contre-champ mécaniques et quelques effets vains comme pencher la caméra dans les moments de tension. Il m'a semblé que cela diminuait l'impact du film par moments, voir même contribuait à un certain ennui. L'histoire est bonne, mais à partir du moment où l'on devine la suite il n'y a plus tellement de surprise ni de tension. Un film à la fois bourré de qualités et de défauts, mais qui reste surprenant dans le paysage actuel du thriller.   -   6.5/10

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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 01:42

 

 Si vraiment vous n’avez jamais entendu parler de ce film, résumons ce à quoi nous avons affaire : la dernière oeuvre du réalisateur des OSS 117, avec de nouveau Jean Dujardin, mais cette fois ci en noir et blanc ET en muet. Il y joue le rôle d'une vedette hollywoodienne du muet au sommet de sa gloire qui va être mise à l'écart avec l’arrivée du parlant, un schéma gloire et décadence tout ce qu’il y a de plus classique. Le  prix d’interprétation masculine à Cannes pour Dujardin intriguait forcément, et la bande-annonce promettait un film riche et débordant d’amour du cinéma, hommage à une époque depuis longtemps révolue et peu connue du grand public, qu’en est-il au final ?

 http://www.cinechronicle.com/wp-content/uploads/2011/05/The-Artist-de-Michel-Hazanavicius.jpg

 

L’hommage est un exercice des plus complexes au cinéma, car l’auteur doit savoir utiliser ses références à bon escient, ne pas les exposer de façon grossière au spectateur et surtout éviter le piège du plagiat. Il doit aussi et surtout savoir s’en détacher, pour imposer son propre style et ne pas se cantonner à suivre les codes existants sous prétexte de rendre hommage à un genre.

Michel Hazanavicius y est parvenu de façon remarquable avec ses deux OSS 117, reprenant les décors, la photographie, les costumes des films d’espionnage des années 60, mais également le côté un peu désuet, kitsch, sans s’en moquer totalement. Les dialogues et le jeu de Dujardin étaient un régal d’intelligence et de complémentarité, le film s’alimentant des codes d’un genre tout en utilisant le recul des années pour souligner leurs absurdités.

On était là dans un pur hommage à un pan du cinéma, bien loin des comédies affligeantes en *nom d’un genre* Movie, se contentant de parodier grassement des scènes entières de films de l’année passée et de monter ça aléatoirement.

 

Cela demande de la finesse et de l’observation pour être réussi, et ce n’est pas pour rien si les meilleurs films se prêtant à cet exercice proviennent de grands réalisateurs. Citons pêle-mêle le mythique Last Action Hero de John McTiernan, spécialiste du film d’action à grand spectacle connaissant les moindres ficelles du genre et les parodiant avec jubilation, le magique La rose pourpre du Caire du non moins grand Woody Allen, vibrant d’amour pour le cinéma et empreint d’une fascination toute enfantine, ou encore Brian DePalma dont l’œuvre entière rend hommage au maître Alfred Hitchcock, tout en gardant une distance interdisant tout plagiat.

 

The Artist a pour lui une très bonne introduction, avec une mise en abime bienvenue : l’équipe de A Russian Affair, le dernier film dans lequel joue George Valentin (Dujardin) attend impatiemment derrière l’écran d’un cinéma bondé la réaction du public à la projection de ce film. Le montage se montre efficace, alternant les scènes du film projeté, les émotions du public et celles des acteurs et du producteur derrière le voile. On découvre rapidement la personnalité de Valentin, imbu de lui-même, écrasant sa partenaire sans pitié, et le producteur (excellent John Goodman) ne s’interposant pas car sa vedette lui est trop chère.

   Mais il serait inutile, voire cruel de jouer sur le suspense bien plus longtemps : The Artist ne rentre pas dans la cour des grands que j’ai cité plus haut. Croyez bien que je suis le premier à le déplorer, il n’est pas non plus du niveau des OSS 117, et beaucoup de choses vont de travers dans ce film.

 http://static.lexpress.fr/medias/1391/712327_the-artist.jpg

 

La première, assez dérangeante pour un projet de ce genre, est qu’une fois passée la scène d’introduction la double lecture du film semble inexistante, et on se retrouve face à un film récent, mais en noir et blanc et muet. Et ce qui aurait pu être une force devient une faiblesse, à l’exception de quelques scènes où le bruit est utilisé de façon intelligente, la nature unique du film n’apporte rien. De plus il y a un décalage apporté par la technologie utilisée, contrairement aux OSS 117 le film n’a pas un aspect d’époque. Ce n’est pas toujours une qualité non plus, on se rappelle de Machete qui au contraire n’avait pour lui que son grain et sa pellicule faussement abîmée pour faire vieille série B, l’esprit avait été oublié au passage, sûrement en même temps que le scénario.

 

C’est triste à dire, mais ici Hazanavius fait du Rodriguez, dans un sens. Pour faire une comparaison « osée », je dirai que The Artist est aux OSS 117 ce que Machete est à Planète Terreur. A savoir que sur un scénario mince, mais surtout vu et revu, il distille de bonnes idées mais ne donne jamais corps à ses personnages. L’histoire ressemble plus à une succession de passages obligés qu’à une histoire un tant soit peu inspirée. Il semblerait qu’Hazanavicius (seul scénariste) a pris un peu de Citizen Kane, un peu de Boulevard du crépuscule, un peu plus d’Eve et beaucoup de Chantons sous la pluie, et hop c’était plié.

Si l’on a jamais vu ces films, ni aucun muet, alors oui paradoxalement le film pourra sembler être un pur hommage à cette époque. Je dis bien paradoxalement car ce genre de projet avait tout pour attirer les cinéphiles, mais ce sont bien eux qui risquent de se sentir lésés devant le manque d’inspiration de ce film.

 

Non content d’être une franche repompe de grands classiques et de ne surprendre que très rarement, le scénario n’avance pas ou très peu pendant plus de la moitié du film. Etant donné qu’il est très prévisible, on attend les bonnes idées comme la scène d’introduction, et elles sont bien trop rares jusqu’à la fin. Entre les deux, on suit une histoire convenue de descente aux enfers, avec un ennui poli dont on sort à quelques occasions. Dujardin joue plutôt bien la folie de son personnage mais, soyons clairs, sans mériter son prix d’interprétation à Cannes sorti d’on ne sait où.

 

Il reste un point à aborder qui a une importance capitale, à savoir comment le film reprend les caractéristiques du muet. La première, évidente, est l’utilisation de la musique pour pallier à l’absence de son. Si les silences sont très bien gérés, la musique elle est nettement moins convaincante. On a droit au morceau de la bande annonce, assez plaisant, comme thème principal, mais jusqu’à écœurement tant il est répété tout au long du film. Les autres musiques collent sans génie à leurs situations, dynamiques dans les moments heureux, tristes dans les moments tristes, assourdissantes quand la tension monte, bref c’est oubliable.

La seconde, qui pose souvent problème en découvrant le muet, c’est le surjeu des acteurs. Je tiens à signaler que tous les films muets ne recourraient pas à cette technique pour faire passer les émotions, loin de là. Pour The Artist, il a été choisi de parodier cette pratique, avec Dujardin effectuant moultes grimaces tout au long du film, dans le but évident de faire rire le spectateur. L’humour est dans la même veine, avec un running gag animalier qui fait rire une fois, deux fois, trois si on est de bonne humeur, après on peut se demander si on ne nous prend pas pour des imbéciles. Au niveau de l’humour ma position est forcément subjective, mais si on compare à OSS 117 la finesse est absente.

 http://s.excessif.com/mmdia/i/38/8/the-artist-de-michel-hazanavicius-10454388pivwv_1731.jpg?v=1

 

C’est d’autant plus dommage que des scènes comme l’introduction, la conclusion, l’ascension de Peppy Miller symbolisée par sa place qui monte dans les génériques de films, les plusieurs prises d’une même scène façon bêtisier, le rêve sonore et autres petites trouvailles nous renvoient aux bonnes idées des OSS, mais sans le rythme parfaitement huilé de ceux-ci. Alors on pourra arguer qui si le film prend son temps c’est une bonne chose, ou pire que c’est inhérent au muet, mais il suffit de regarder n’importe quel Chaplin pour voir qu’il avait bien plus d’idées que le scénariste du présent film.

Le problème majeur qu’il faut souligner ici, c’est que si le film n’est pas foncièrement désagréable dans son ensemble, il a un gros manque de légitimité. On sent le film balancer entre hommage respectueux et parodie, puis se prendre au sérieux comme s’il était un « vrai » film de cette époque, et du coup de prendre les pieds dans le tapis. Les intentions semblaient être bonnes, le résultat est plus que décevant.

 

En dépit de la qualité du film, il se retrouve en compétition pour les Oscars, les maléfiques frères Weinstein jouant de la singularité du film pour le distribuer dans un maximum de pays et l’imposer dans un maximum de festivals. C’est d’autant plus dommage de sélectionner ce film français parce qu’il est muet (eh oui, pas de sous titres ou de doublage à faire, c’est tout benèf), alors que La guerre est déclarée se retrouve dans la compétition du meilleur film étranger et que bien d’autres lui sont largement supérieurs.

 

Bref, si vous attendiez le film français de l’année, guettez les critiques à venir car ce n’est pas celui-ci.

 

4.5/10


Arnaud

 

[L'avis de Romain]

Un des films que j'attendais le plus cette année et c'est une véritable déception. Ce film manque clairement d'identité et a le cul entre deux (voire trois) chaises: celle du vrai film muet, celle de la parodie et celle de l'hommage. On ne saura jamais où Hazanavicius a voulu en venir mais en tout cas c'est à moitié raté. Les quelques rares séquences virtuoses sont surtout écrasées par des runnings gags idiots, un scénario rachitique et un Dujardin qui surjoue à mort (hormis lors des scènes plus dramatiques). Si vous voulez voir du vrai cinéma muet, ne vous tournez pas vers The Artist. Un film moyen.

 

5.5/10

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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 23:08

       Après de (très) longues vacances, nous voici de retour pour une rentrée cinéphilique qui s'annonce des plus chargées! Mais d'abord, flashback sur un film cannois sorti durant l'été et qui a bénéficié d'une publicité peut-être mal venue de la part de son auteur, avec ses déclarations qui ont heurté le petit monde de la bien-pensance. Sur le banc des accusés bien entendu je nomme Lars Von Trier! Cinéaste controversé à la base, petit plaisantin à ses heures, et la chance d'expérimenter pour la première fois la police cannoise en étant le premier persona non grata de l'histoire du festival. Mais son bébé du doux nom de Melancholia est resté et même mieux, a réussi à rafler le prix d'interprétation féminine grâce à la prestation de Kirsten Dunst. Mais en dehors de cette publicité inattendue (quoique avec Lars Von Trier on s'attend toujours à un petit coup d'éclat) se dressait une véritable attente quant à Melancholia qui intriguait avec son synopsis et sa bande-annonce mystique. Le film a-t-il réussi à répondre à ces attentes? Verdict après ce plan d'une grande beauté.

 

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       Alors personnellement j'aime beaucoup Lars Von Trier et j'attendais un chef d'oeuvre. Bon de ce côté-là j'admets être resté sur ma faim. Melancholia fait preuve de beaucoup de qualités mais hélàs de quelques défauts qui n'en font pas un film parfait, loin de là. Si je devais résumer en quatre mots ce qui pour moi plombe un peu le film, ce serait: manque de subtilité (bon en fait ce sera trois). Je reviendrai sur les défauts plus tard.

      J'aimerais dans un premier temps aborder l'introduction du film. Une introduction avec des ralentis très "antichristiens" qui bien entendu font écho à la précédente oeuvre très controversée du cinéaste danois. Pendant cinq minutes, Lars Von Trier introduit l'histoire et les enjeux du film. Pas de mots, juste des images, et quelles images... Ces ralentis sont juste somptueux et nous plongent dans l'ambiance. Ces images mélangent beauté et chaos à la fois, c'est juste saisissant et ça colle parfaitement au ton du film.

 

           Le film se scinde en deux parties: La première concerne Justine, la mariée, et la deuxième est davantage centrée sur sa soeur Claire (Charlotte Gainsbourg). Ce n'est pas le jour et la nuit entre ces deux parties, les deux se répondent bien et chacune a ses qualités et ses défauts. La première partie se déroule durant le mariage où Lars Von Trier mêle la beauté à la cruauté avec pour toile de fond l'humanité, exposée d'une manière plutôt réaliste à savoir capable de bonté comme de méchanceté et de froideur. 

       On le sait dès la scène de la limousine, ce mariage est voué au désastre. Mais pourtant tout va encore bien au début, la destruction est progressive et ça se répercute sur Justine. Le jour censé être le plus beau dans la vie d'une femme est gâché au fur et à mesure par d'autres personnes sans scrupules. Cette partie est également la plus intéressante de par ses personnages. On y introduit les deux personnages principaux, Claire et Justine, leurs hommes, leur famille, le patron de Justine, etc... L'ennui dans Melancholia c'est que tous les acteurs sont géniaux mais hélàs pas tous les personnages. Certains sont admirables grâce à leur écriture, d'autres peu intéressants de par leur platitude et la facilité avec laquelle ils ont été conçus.

 

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       Kirsten Dunst mérite son prix d'interprétation à Cannes, clairement. Lars Von Trier a su sublimer tout son talent d'actrice, elle a une réelle présence, un charme fou, son visage passe du sourire aux larmes tout en passant par un visage froid, représentatif de sa destruction intérieure, et le tout avec une remarquable authenticité. Charlotte Gainsbourg rend elle aussi une très solide copie en interprétant ce personnage qui calcule trop, paralysée par la peur. Kiefer Sutherland et John Hurt viennent également compléter la catégorie des personnages intéressants, ils sont on ne peut plus humains et ça fait mal de l'admettre.

       Par contre le personnage de Charlotte Rampling n'est vraiment pas subtil, unilatéral, "facilement" méchante. L'interprète n'y peut rien, au contraire elle sait parfaitement rendre son personnage froid comme la glace mais le personnage en lui-même n'est pas intéressant et prend une petite place non négligeable dans l'intrigue ce qui est d'autant plus gênant. L'utilisation du neveu du patron de Justine est un peu lourde aussi. Melancholia contient un humour pince sans rire qui fonctionnait bien mais là c'est un peu lourd, ça plombe un peu le caractère authentique des personnages qui nous sont présentés dans leur globalité.

 

       La deuxième partie du film, elle, est plus confidentielle. Ne restent plus que Claire, son mari, son fils, Justine et la planète Melancholia qui prend plus de place dans l'intrigue dès ce moment-là. On peut la voir comme une métaphore plus subtile (il est temps!) de Justine et assez représentative de sa foi en l'humanité. Cette partie fait éclater à l'écran le talent de Gainsbourg et aussi de Kiefer Sutherland (ce passage bref sur son visage effrayé, ça rend tellement bien!) par contre elle traîne un peu en longueur et il y a des choses assez incompréhensibles comme la planète qui s'en va, revient, etc... Enfin j'ai eu l'impression que le cinéaste tentait de rendre le tout très pesant mais en fin de compte c'est plutôt lourd à la longue.

       Mais c'est là qu'on voit les meilleurs plans, l'apparition de la planète le soir avec son éblouissante lumière qui illumine la scène c'est juste terriblement beau mais ça n'enlève pas le répétitivité de l'ensemble de cette deuxième partie. La tension est bel et bien là mais c'est long. Plastiquement parlant on ne peut pas reprocher grand chose à Melancholia, sauf si on n'accroche pas au sens de la mise en scène de Lars Von Trier basée sur beaucoup de caméra à l'épaule. Disons qu'on n'atteint pas le summum de la pertinence de son utilisation, Lars Von Trier n'est clairement pas Cassavetes.

 

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       Je vais conclure cette critique en disant que la fin est une des plus impressionnantes que j'ai pu voir. Je ne spoilerai pas, de toute façon c'est inutile, ce genre de scène ne se raconte pas mais se vit, et de présence dans une salle de cinéma. Seul du grand cinéma peut procurer ce genre de frissons.

       Peu subtil et légèrement décevant à l'arrivée, Melancholia reste néanmoins un très beau film, réfléchi, intelligent et avec une direction d'acteurs des plus énormes. Souvent décrit comme "le film qui aurait dû remporter la palme d'or à la place du Malick", Melancholia reste au même titre que The Tree of Life une expérience de cinéma intense et mémorable même si les deux films ne sont pas tellement comparables et de toute façon, chacun reste juge. Lars Von Trier a tout de même réussi à signer une belle oeuvre, et ça fait du bien dans le paysage cinématographique actuel.

 

7.5/10

 

Romain

 

 

[L'avis d'Arnaud]

Lars Von Trier est un réalisateur talentueux qui aime provoquer tant dans ses films que dans ses interviews, et Melancholia ne déroge pas à la règle. Dogville est un des films qui m'ont le plus marqué, par sa peinture profondément pessimiste d'une communauté repliée sur elle-même, capable des pires actes pour se "préserver". Ici la communauté n'est pas un village mais les convives d'un mariage, que l'on sait voué à sa perte dès l'introduction. La première partie suit la mariée, remarquablement interprétée par Kirsten Dunst, et virevolte entre les différents personnages, instillant le malaise très rapidement. Entre désespoir, disputes et tensions sous-entendues, le portait de réunion de famille est amer, voire cruel. 

La seconde partie est focalisée sur la soeur de la mariée, qui attend avec elle, son mari et son fils le passage de la planète Melancholia à proximité de la Terre. L'introduction nous ayant montré la désintégration de notre planète, le spectateur ne se fait pas d'illusion et attend le pire, l'angoisse montant jusqu'à la superbe scène finale. On peut reprocher au film que cette seconde partie s'étire inutilement en longueur, mais à la sortie c'est une impression globale qui prime, d'un film écrasant de pessimisme et d'une représentation de la fin du monde inédite à ce jour.   -   7.5/10

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 23:50

Penchons nous sur Sucker Punch, dernier film de Zack Snyder, fantasme de geek assumé fait film, dont la bande-annonce attirait l’attention par son mélange des genres, des époques, et son esthétique bien spéciale, sur fond de Led Zeppelin pour ne rien gâcher. La question était de savoir si un film qui d’avance s’annonçait bordélique et survitaminé pourrait tenir ses promesses sur 1h45.

 http://s.excessif.com/mmdia/i/36/8/sucker-punch-7-10381368vodkh_1798.jpg

 

S’il y en a encore qui ne le connaissent pas, Zack Snyder est le réalisateur visionnaire (je cite) de 300, Watchmen et L’armée des morts, ainsi que du plus récent et discret Royaume de Ga’Hoole. Un réalisateur adulé par certains, descendu en flèche par d’autres, il a le mérite de faire parler de lui, mais pour quelles raisons ? Principalement car il a un style bien particulier qu’il a initié sur 300, chargé de numérique et tourné intégralement sur fond vert. Si cela permet des scènes irréalisables autrement, l’esthétique finale est plus discutable. Cela mis à part, il faut lui reconnaître une vrai talent de narrateur par l’image, parfaitement illustré par le générique de Watchmen.

Mais là où il divise certainement le plus, c’est sur le fond de ses films. Avec 300, il ajoutait déjà de la politique simpliste et des discours franchement douteux à l’histoire du comic éponyme de Frank Miller. Watchmen était plus respecté, avec même l’ajout de bonnes idées, mais on sentait par moments le manque de vision du cinéaste, là où le comic d’Alan Moore est d’une incroyable complexité.

 

 Ayant tout de même adoré le film, je dois bien mettre au crédit de Snyder d’avoir mené à bien cette adaptation, qui se vit passée de réalisateur en réalisateur pendant plus de 15 ans, sans que l’un d’entre ne s’y lance franchement.

Alors, quand il annonce qu’il écrit son prochain film, et que ce sera un mélange de fantasmes geeks réunis de façons invraisemblable mais en théorie jouissive, ça semble sacrément bon sur le papier. Pour tout dire, c’était même le film que j’attendais le plus en ce début d’année.

      Les critiques ont porté un coup fatal à cette attente, et c'était pour le mieux, sinon je serais tombé de très haut. Comme s’en est amusé la critique anglophone, pour une fois le titre n’est pas mensonger, sucker punch étant une expression familière anglaise pour désigner un coup bas, un coup en traître.

Premier constat, l'intro et les combats sont les meilleures parties du film, pourquoi? On serait tenté de dire que c'est pour la technique, le côté jouissif, tout ça, oui ça l'est en partie, mais c'est surtout parce que ça ne PARLE PAS. Qu'est-ce que ces dialogues sont mauvais, il faut interdire à Snyder d'écrire ses futurs scénarios. Du cliché en veux-tu en voilà, du blabla insipide sur les anges gardiens, l’évasion, le sacrifice, pitié c’est insupportable.

 http://www.lalsace.fr/fr/images/D3BC0F77-4CD8-461A-9952-CD3888C4186A/ALS_03/sucker-punch-abbie-cornish-dr.jpg


Même gros défaut que 300 donc, où Snyder avait cru bon de rajouter presque trente minutes de dialogues inintéressants à l'histoire du comic, sans raison valable. Watchmen évitait cet écueil, remercions Alan Moore d’écrire des histoires et des dialogues aussi complexes, il n’y avait pas besoin d’en rajouter pour remplir du coup. On pourrait alors dire "ouais mais ça on s’en fout, on va pas voir ce genre de films pour les dialogues, on y va pour en prendre plein la gueule". Mais moi aussi, et c’est bien le problème. Pourquoi parsemer le film de dialogues aussi mauvais et vides de sens, franchement un film d'1h20 serait bien plus efficace. Au total on a quoi, 20-25 minutes d'action, sur 1h45 on voit bien le temps passer. 


       Les personnages n'en parlons pas, cinq filles interchangeables sans personnalité, empathie zéro, c'est raté, et en plus elles jouent mal pour la plupart. Là encore, pourquoi faire une équipe de cinq si l’on a pas la moindre idée d'écriture pour les différencier humainement ? Du coup, on a droit à deux voire trois figurantes, qui sont là pour faire beau et tout juste aligner trois phrases.

Et encore, si elles n’avaient juste aucune personnalité, mettons, on a vu pire. Mais le scénario est tellement mal écrit qu’elles prennent sans arrêt des décisions totalement illogiques et ne cessent de se mettre en danger sans autre raison qu’amener les « fameuses » scènes de danse de Babydoll, qui correspondent à ses rêves guerriers. Par exemple, elle doit récupérer une clé pour ouvrir toutes les portes de l’asile, et un briquet pour déclencher l’alarme… et ouvrir toutes les portes de l’asile.

 

A leur place, soit je vole juste la clé et je m’évade discrètement, soit je ne vole que le briquet pour évider de me faire repérer en volant la clé. Pareil pour le couteau, sachant que le cuisiner est suspicieux et violent, et que le seul moyen « intelligent » qu’elles trouvent pour le voler est de faire danser Babydoll sur une table, pourquoi ne pas chercher une autre arme plus discrète ? Les incohérences du genre sont légion, et ce ne sont pas les différents niveaux que contient le film qui peuvent le justifier.


http://4.bp.blogspot.com/_dKF5tE20pc0/TH8WrlU4FkI/AAAAAAAAACs/xoZDvjSpLnw/s1600/sucker-punch-pic-1.jpg

Niveau bande originale, c’est déjà mieux, la musique est globalement trop présente mais la reprise de Sweet Dreams est efficace lors de l’introduction, quelques chansons énervées aident bien les scènes d'actions, surtout avec l'IMAX et l'excellent son qui l'accompagne. Le massacre de Queen sur l’arrivée du maire est nettement moins probant.
        L'esthétique, autant j'ai adoré dans 300 et Watchmen, autant là c'est surchargé, pompeux, pas toujours cohérent et ça amène un peu vers l'overdose, mais bon certains scènes sont assez inspirées à ce niveau donc ce n'est pas trop un problème. 

        Donc descendons au coeur du problème: le film est un gros bordel geek assumé, mais au rythme vraiment mal foutu et pas jouissif sur la durée. J'ai beaucoup aimé l'introduction, le combat contre les samouraïs géant, celui contre les robots dans le train et la fin (qui aurait pu être un peu moins niaise quand même, la voix off est insupportable). Le reste oscille entre le pas mal et le assez mauvais, donc gros déséquilibre assez problématique. Et surtout, le film ne s'assume pas à fond. C'est racoleur voire érotique mais on ne verra jamais rien, ça tente d'être violent mais de façon absurdement détournée, là où 300 ne prenait pas de gants malgré ses autres défauts... 


       Le passage avec les zombies aurait pu être une grande scène d’action si bien filmée et avec du sang! Là nous avons une caméra totalement instable, un montage à la machette, et des zombies qui font pschitt en mourant, au secours, c'est juste ridicule. Pareil pour les orcs, tous tués à la mitraillette en hors champ, rien de jouissif à ça. 

 

http://trailerhd.tv/images/photos/sucker-punch/big-sucker-punch-847.jpg

       Même si Snyder est supposé avoir écrit ce scénario lorsqu’il était adolescent (ce qui expliquerait des choses), le parallèle avec les récents Shutter Island et Inception est tellement évident que le film devient prévisible trop rapidement. On se retrouve enseveli sous les symboles bien lourds, tout est expliqué, à tel point que l’on a vraiment l’impression d’être pris pour des idiots. Même si ce n'est pas ce qui se fait de plus complexe, un film comme L'échelle de Jacob est déjà un peu plus intéressant à comprendre, tout en restant accessible, ou encore Mulholland Drive qui lui invite à une vraie réflexion. Là ce n'en est qu'une pâle copie niveau scénar, pas de quoi chercher d’interprétations alambiquées.


       Bref, on retiendra que Snyder doit arrêter d'écrire des scénarios tout de suite sous peine de suicide artistique. Jusque là, la critique ne suivait pas toujours, le public si, mais Sucker Punch a terriblement peiné à rembourser son budget en salles. 

 

4.5/10

 

Arnaud

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 22:24

       Sofia Coppola (Virgin Suicides, Lost in Translation, Marie-Antoinette), fille du grand Francis Ford Coppola, est une réalisatrice qui a su, au fil des années, façonner son propre style tout en développant une particulière et authentique personnalité d'auteur. C'est une cinéaste désormais accomplie qui entraîne tout de même des réactions mitigées au sein des critiques et du public. On peut tout aussi bien être hermétique que comblé face à ses oeuvres et pour ma part je rentre dans la deuxième catégorie. Cependant en traitant les mêmes thèmes, en les abordant de la même façon, j'avais peur que Somewhere, son dernier film, ne dégage un air de déjà-vu. J'étais donc craintif avant de me rendre au cinéma malgré le tabac qu'a fait le film lors de sa présentation à la 67ème Mostra de Venise où il décrocha le Lion d'Or. Une crainte cependant vite levée après le générique de fin, Sofia Coppola signe une nouvelle fois une oeuvre originale et bouleversante.

 

http://image.toutlecine.com/photos/s/o/m/somewhere-somewhere-05-01-2011-12-g.jpg

 

       L'introduction donne clairement le ton du film. Si vous voulez de l'action et des péripéties, passez votre chemin. La cinéaste confère un rythme lent à son film (ce qui est plus ou moins habituel) et celle-ci veut juste nous peindre des fragments de vie, en nous laissant le soin d'observer, de comprendre, de juger, de ressentir. Le film s'ouvre sur un plan fixe d'une Ferrari en train d'effectuer des tours sur un circuit, nous sommes alors plongés dans le contexte, celui d'un pauvre homme riche, dont l'existence est basée sur un luxe oiseux, un ennui certain et une lassitude de tous les instants. Ce qui aura déjà gavé du monde à ce moment du film m'a au contraire mis en confiance, Coppola pose un rythme auquel elle sera fidèle tout au long des 1 heure 40 du film. On fait alors connaissance avec Johnny Marco, star hollywoodienne, interprété par Sthepen Dorff dont les rôles de premier plan au cinéma ont été plutôt rares, il devient donc intéressant de constater ainsi le parralèle entre l'acteur et son personnage.

 

       Le nouveau film de Sofia Coppola se montre particulièrement intimiste, de loin l'oeuvre la plus intimiste qu'elle ait réalisée et sa mise en scène sert parfaitement son propos car celle-ci demeurant sobre, épurée et dénuée de tout effet de style n'appuie en rien les émotions et laisse juste son spectateur observateur. La volonté de Coppola est clairement de nous délivrer ces morceaux de vie, ces retrouvailles entre un père et sa fille (Elle Fanning) sans nous forcer à prendre une opinion. Dans ce sens de la mise en scène, Coppola rejoint Cassavetes (Husbands, Une Femme sous Influence...) et Altman (Short Cuts...) figures de proue du cinéma indépendant américain qui possèdent le même état d'esprit, un sens similaire de la mise en scène même si bien évidemment leurs styles se démarquent et restent propres à chacun. En tout cas ce qui est remarquable dans Somewhere c'est l'authencité des personnages, ils sont "vrais", sonnent juste et la réalisatrice nous les présente avec une grande finesse.

 

       Stephenn Dorff offre une bien belle composition et l'alchimie avec la jeune Elle Fanning est parfaite. Cette histoire d'un père et de sa fille qui partagent quelques (rares) moments ensemble que ce soit dans une piscine ou devant Guitar Hero a su me toucher, me transporter. En fait l'intérêt du film est bien là, il demeure dans ces rares moments de tendresse qui succèdent à de longs moments d'ennui pour le personnage principal. Coppola filme l'ennui sans jamais le faire ressentir (du moins pas pour moi, inutile de préciser que l'ennui est subjectif). Ici les rencontres familiales sont prétexte à oublier les soucis du quotidien, et celles-ci bien que banales se révèlent être la source d'un bonheur qu'on croyait perdu chez ce personnage.

 

http://2.bp.blogspot.com/_9Uu4xE1NxVM/TShVEGsDmCI/AAAAAAAADJg/5C3Ha_oSvnk/s1600/somewhere_sofia_coppola_2010_11.jpg

 

       Il est évident que le film de Sofia Coppola est très personnel. La réalisatrice s'est en effet inspirée de sa relation avec son propre père pour imaginer Somewhere. Sofia Coppola étant née en 1971, elle a grandi avec un père très souvent absent à une époque où celui-ci était occupé à réaliser de grands films (ne citons que les deux premiers Parrain et Apocalypse Now pour faire plus court). Cette absence, cette joie des retrouvailles, nous les retrouvons dans Somewhere. La cinéaste propose ici un film s'immiscant malicieusement dans la vie de ses personnages, sans surenchère dramatique et tout en nous proposant une vision des à-côté du monde du cinéma, vision qui s'éloigne tout de même des clichés populaires et souvent représentés sur la vie de rêve des stars.

 

       Somewhere se révèle être un produit de cinéma pur, une expérience unique. J'émettrais toutefois quelques réserves quant à l'utilisation assez abusive de marques de luxe en tous genres, j'ai horreur qu'un film soit une publicité géante mais en fin de compte ça va, nous ne sommes pas submergés non plus par cet aspect-là. Après je n'ai pas de défauts majeurs à signaler, la présence de la perche du preneur de son plusieurs fois perceptible à l'écran reste toutefois un mystère. Après il est certain qu'on ressent quand même une forme de frustration sur le fait de ne savoir énormément de choses sur les personnages mais Coppola montre de ce fait qu'elle reste fidèle à sa volonté d'observer et donc de rester à la surface sans proposer d'approfondissements superflus.

 

http://nicolinux.fr/wp-content/2011/01/dorff-fanning-somewhere.jpg

 

       En résumé, Somewhere est un très bon film et la preuve que Sofia Coppola sait proposer quelque chose d'original avec un propos différent tout en gardant les thèmes chers à son coeur et le même style visuel. Partant d'une histoire toute simple, le film se montre juste beau avec une ambiance envoûtante et des personnages très touchants. Un petit bijou du cinéma indépendant américain, décidément Sofia, tu es la digne héritière de ton illustre papa.

 

8/10

 

Romain

 

 

[L'avis d'Arnaud]

Est-il encore bien nécessaire de présenter Sofia Coppola? La cinéaste a su imposer son univers éthéré, mélancolique et songeur au travers de trois films remarquables, reconnaissables entre mille par leur montage et leurs bandes son bien particuliers. Pour Somewhere, la réalisatrice tente l'épure, voire le minimalisme, et je dois dire que je craignais la déception. Heureusement il n'en est rien, la radicalisation de la mise en scène est loin d'être gratuite. Elle nous impose de longs plans séquence contemplatifs comme on a peu l'habitude d'en voir dans le cinéma "hollywoodien" récent, réduit les dialogues au minimum nécessaire et se concentre sur son personnage principal, du moins au départ. L'arrivée de sa fille va changer sa façon de vivre, et surtout sa façon de penser. Les scènes de quotidien s'enchaînent, et l'air de rien, au fil d'une bande son pop-rock de qualité, on est déjà entré dans l'histoire. La dilatation du temps fait que le film raconte beaucoup en peu de scènes d'une simplicité parfois désarmante, voire naïve, mais toujours belle et touchante. L'utilisation de la grammaire cinématographique de base est judicieuse, avec les zooms/dézooms très lents qui enferment le personnage ou le libèrent, ou les plans séquence qui durent pour instaurer un semblant d'ennui et soudain le rompre en coupant la scène. L'introduction et la conclusion jouent elles sur la symbolique simple mais de fort belle manière, et m'ont marqué par leur sincérité. On est toutefois pas au niveau d'un Virgin Suicides ou Lost in Translation, mais ce n'est pas souvent que l'on voit du cinéma d'auteur "grand public" de cette qualité.   -   7.5/10 

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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 16:55

      Les mots manquent pour décrire ce que j'ai vécu. Hagard, en état de choc, le regard vide, je vais tenter de vous relater cette expérience de mort (cinématographique) imminente...

 http://cdn.slashershouse.com/wp-content/uploads/2011/03/Battle-Los-Angeles-Poster-590x315.jpg?25a3a7

 

Je n’ai rien contre les blockbusters tant qu’ils sont bien faits, mais il semblerait que dernièrement la catégorie pur divertissement subisse une chute de sa qualité inversement proportionnelle à la quantité. A l’exception d’une très sympathique Agence tous risques et autres John Rambo ou Kick-Ass, le blockbuster d’action se voit pourri par les suites, remakes, reboots et j’en passe. Il suffit de comparer la grande époque des Die Hard, Predator, Terminator, Robocop, Starship Troopers, Volte/Face et autres aux actuels Transformers, Fast & Furious, ou suites des franchises cultes citées plus tôt pour constater le gouffre qui les séparent.

 

Battle : Los Angeles a beau nous venir du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse : le commencement, je dois dire que la bande annonce m’avait agréablement surpris. Un film d’action à mi chemin entre Independence Day et La chute du faucon noir, pourquoi pas, on laisse le cerveau à l’entrée, on prend les pop corns et en avant.

 

Mais il y a un souci de taille - je m’excuse d’avance de casser le suspense: ce film est un étron XXL. Ici il n’est pas question de subjectivité, d'imposer son avis, non, c'est juste nul. Pas UN SEUL plan de bien cadré ou de fixe dans tout le film, je ne pensais pas voir ça un jour! Cloverfield avait ses raisons d'avoir une caméra maltraitée car c’était le seul point de vue du spectateur, alors que là le caméraman filme un dialogue, un bout de papier, des tombes, et j'en passe, il faut se coltiner caméra instable de film de vacances doublée de zooms/dézooms incessants et dégueulasses. On conviendra que c'est un sérieux handicap pour un film pareil de ne pas être foutu d'être lisible ne serait-ce que la moitié du temps.

 

Et encore je ne parle pas des scènes d’action, pendant lesquelles les plus sensibles préfèreront détourner les yeux sous peine de perdre quelques dixièmes. Je ne pourrais prétendre critiquer le film sans l’avoir regardé en entier, donc j’ai souffert. Dès qu’il y a un peu de tension, une fusillade, un tir de roquettes, la caméra semble tout à coup montée sur ressort, vas-y que je bouge dans tous les sens pour donner l’impression que ma mise en scène est trop dynamique et nerveuse. Du coup on ne voit rien, presque jamais clairement les extra-terrestres, et pas moyen de profiter d’une scène d’action un tant soit peu jouissive. Mais alors si dans un tel film on ne profite pas des scènes d’action, que donne le reste ?

 

http://s.excessif.com/mmdia/i/00/6/world-invasion-battle-los-angeles-1-10420006jjdzv_1798.jpg

 

Le scénario, si on ose l'appeler ainsi, est-ce une blague? Aucune notion de rythme, des personnages creux et fonctionnels, des dialogues dignes de cour de récré de CM2, non, sérieusement ?  

Les incohérences pleuvent, notamment les distances pour prendre un exemple précis: le commissariat est à 1 km, les soldats sont à pied, pas de problème. Une fois au commissariat, surprise, il y a 10 km à couvrir en bus pour rentrer. Le bus roule un peu (plus que 4 km), bretelle d'accès démolie, la prochaine à 500m (plus que 3.5 km), bataille, tout le monde descend de la voie rapide, hop plus qu'un km. Ok, pourquoi pas.   On pourra dire que je pinaille mais ça montre soit que le script, soit que le montage a été fait à l'arrache. Les deux en vrai, mais bon.

 

Les dialogues revenons-y, j'ai rarement vu un tel degré de connerie au premier degré. Les répliques badass du pauvre s'enchaînent, tout le catalogue y passe, plus c'est gras plus on aime. Un exemple qui donne le niveau dès le début, avec le sergent qui vient signer son formulaire de départ et le gratte papier qui lui envoie un « Je savais pas que t’avais appris à écrire, Nantz ». Ou encore le fabuleux « Je peux peut-être aider, je suis vétérinaire » de la civile face à un cadavre alien.

Je veux bien que les marines ne soient pas tous des lumières mais ce film est plus insultant que glorifiant à leur égard. En parlant de clichés, on aura droit à TOUT dans ce film, le gentil civil moustachu qui se sacrifie, la scène d'émotion à deux balles, "Reculer? Jamais!", le sergent mal aimé qui sauve l'équipe, le jeune bleu qui a la trouille et met les autres en danger, Michelle Rodriguez (oui c’est un cliché ambulant), etc, etc...

 

http://idrann.celeonet.fr/wp/wp-content/uploads/2011/03/2011_battle_los_angeles_001.jpg 

Résumons: les dialogues sont affreusement mal écrits, les scènes d'actions sont totalement illisibles, la musique recycle tous les poncifs de la musique patriotico-héroïque bien pompeuse, et les incohérences sont légion. Le coup de "l'alerte terroriste" pour les météores, ou le "on a transmis votre technique au monde entier" alors que le sergent a juste ordonné un tir de missile sur le   vaisseau, qui le fait exploser entièrement par une étrange réaction en chaîne sont tout simplement cultes. Même Independence Day était plus réaliste, et croyez que ça me fait mal de le dire.

 

On ne s'ennuie pas trop, c'est déjà ça, mais que c'est mauvais. Malheureusement, pour confirmer ce que je disais en introduction, le film a fait un énorme carton en salles, une suite est déjà prévue, alors pourquoi essayer de faire de bons films alors que ça prendrait plus de temps?

Pour l’anecdote, il y avait d'autres amateurs de nanars dans la salle (repérés à leurs rires narquois), et les applaudissements lancés à la fin furent de loin le moment le plus émouvant du film.   

 

2/10

 

Arnaud

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 16:35

Animal Kingdom est un polar australien autour d’une famille de gangsters, première œuvre de son réalisateur et scénariste David Michôd. Acclamé par la critique dans son pays d’origine, aux Etats-Unis et maintenant en Europe, il est pourtant destiné à une certaine confidentialité par une distribution frileuse. Le film est-il à la hauteur de sa réputation ?

 

http://tomwalker.co/wp-content/uploads/2010/10/Animal_Kingdom.jpg 

Vous vous êtes peut-être demandé pourquoi je n’ai pas donné d’autre titre à cette critique que celle du film, si c’est le cas sachez qu’il y a deux bonnes raisons à cela. Premièrement, je trouve le titre fascinant, il ne mérite pas d’être affublé d’un pauvre jeu de mot sur le règne animal ou la jungle urbaine, et deuxièmement cela reflète l’état d’esprit du film de le laisser tel quel, à savoir direct et sans artifice.

Un premier film est toujours un exercice délicat, et le moins qu’on puisse dire est que David Michôd a soigneusement préparé le sien. Le réalisateur a passé 9 ans à écrire son scénario tout en étudiant la pègre de Melbourne, afin d’atteindre le meilleur compromis possible entre réalisme et scénario efficace. Première constatation, cette quasi décennie de gestation fut mise à profit, on est bien loin d’un Cameron qui dit avoir mis 15 ans à écrire le scénario d’Avatar par exemple (ce qui probablement vrai mais d’autant plus ennuyeux).

 

On sent que le réalisateur s’est posé les mêmes questions que la critique et les amateurs du genre : comment peut-on encore créer la surprise dans le film de gangster aujourd’hui ? Coppola, Scorsese, De Palma ont privilégié la flamboyance des personnages, sur le schéma traditionnel de l’ascension et de la chute, Tarantino et les Coen un style plus décalé, empreint d’humour noir et de violence. Parmi ceux qui ont changé la donne ou revitalisé le genre, je citerai Nicolas Winding Refn avec son excellente trilogie Pusher, le film Gomorra qui montrait la mafia sous un jour plus glauque et anti spectaculaire que jamais, et enfin James Gray qui a redonné ses lettres de noblesses au genre dans sa forme classique, empreinte de tragédie antique.

 

Animal Kingdom réussit le tour de force de comprendre toutes ces approches et d’y puiser tout en gardant une identité propre. De Gray et du Parrain on retrouve la famille placée au dessus de tout, des Pusher et de Gomorra l’aspect aride, brut et détaché de la mise en scène et du scénario. En assimilant parfaitement ses influences, Michôd parvient à créer la surprise de façon naturelle, sans prétention.

Ayant choisi de ne pas spoiler ce film pour laisser les intéressés le découvrir dans les meilleures conditions, je n’en dirai pas plus sur cet aspect, mais la magnifique scène d’introduction vaut toutes les explications du monde. Le réalisateur connaît les codes du polar et de la fresque criminelle par cœur, et joue avec le spectateur de façon à le maintenir sous pression tout le long de son film.

 

http://thefilmstage.com/wp-content/uploads/2010/03/Animal_Kingdom_movie_image-2.jpg

 

Plutôt que de glorifier les gangsters de cette étrange famille, le réalisateur privilégie les scènes triviales, en apparence insignifiantes, telles que les courses ou le barbecue, parce qu’elles en dévoilent bien plus sur les pensées et les doutes des personnages. Ainsi l’aspect criminel de leur vie sera plus souvent évoqué que montré, ce n’est pas le sujet. Comme le titre l’indique, on s’intéresse aux relations complexes et changeantes de domination entre membres d’une famille, entre criminels et brigade anti-gang aux méthodes peu orthodoxes, et surtout entre le personnage principal et sa famille qu’il connaît mal.

 

Le film a cette idée judicieuse d’adopter le point de vue de ce jeune personnage, ce qui justifie la distance et l’absence de jugement du film. Mais pour que cela fonctionne, il faut que les acteurs soient irréprochables, et là encore, c’est le cas. Entre une mère de famille possessive, un oncle à la simple présence glaçante, Joel Edgerton en gangster sanguin et Guy Pearce parfait en flic blasé mais prêt à tout pour aider, le casting est largement à la hauteur des ambitions. On croit à tous les personnages, même les plus secondaires, on vit 1h50 parmi cette famille si terriblement ordinaire en dehors de ses occupations criminelles. On pourrait arguer jusque là que les premiers  films au scénario soigné et au casting convaincant, on en a déjà vu, et la technique peut laisser à désirer.

 

Je ne veux aucunement sanctifier le très prometteur David Michôd, mais force est de constater qu’il maîtrise tous les outils cinématographique et qu’il est parvenu à faire de son film exactement ce qu’il voulait. Mise en scène, montage et musique achèvent de nous convaincre de la virtuosité du cinéaste. Le film sait prendre son temps, laisser respirer le spectateur lors de longs plans fixes permettant de vite appréhender les personnages, pour mieux alterner avec des prises de vue nerveuses lors des moments de tension. L’utilisation de la grammaire cinématographique propre au genre est des plus judicieuses, car jamais figée dans un style documentaire par exemple.

Plans séquence, caméra tremblante, hors champ, somptueux ralentis et séquences poétiques où le seul son provient d’une chanson désabusée s’enchaînent naturellement, sans gratuité aucune car le moindre effet a son utilité et son sens. Là où ailleurs un plan iconique sur un gangster et un policier pourrait être pesant, où un ralenti, un hors champ semblerait prétentieux, un gros plan propice à l’émotion facile, ici ce ne sera jamais le cas.

 

http://www.slantmagazine.com/images/film/animalkingdom.jpg

La mise en scène toute entière est au service de l’étude des caractères, des comportements, rivalités et trahisons entre des personnages amenés à prendre des décisions difficiles. On retrouvera derrière cette idée un peu de la démarche de No Country For Old Men, où les frères Coen tendaient à l’épure pour mieux sublimer un genre croulant sous les clichés. Se débarrasser du superflu pour imposer sa vision personnelle, faire l’économie des lieux communs et surprendre le spectateur, les deux films ont ceci en commun, et l’émotion n’en est pas moins vive.

Dès le départ, la situation des personnages confine à la tragédie classique, et comme l’a souligné la presse, c’est de l’attente que naît une tension. Ne jamais savoir quand et comment va se produire l’inévitable, ne pas souligner l’émotion par des artifices musicaux ou des gros plans larmoyants ne fait que renforcer l’emprise du film sur le spectateur. Personnellement, je n’ai pas détaché mes yeux de l’écran du début à la fin. C’est tout juste si on notera un léger coup de mou aux trois quarts du film, vite oublié devant une fin mémorable, qui rappellera à coup sûr aux amateurs du genre quelques souvenirs.

 

J’avais peur de ne pas en dire assez, d’en dire trop, j’ai hésité à faire une critique dotée de spoilers car le film a matière à être discuté plus en profondeur, mais au vu de la distribution je préfère lui donner un peu plus de visibilité. Le superbe The Propostion de John Hillcoat, autre pépite australienne qui revisitait avec brio le western, avait connu une sortie française encore moins glorieuse: 5 ans après l'australienne, à l'occasion de la sortie de La route (dernier film du réalisateur). C'est tout à fait déplorable, et j'espère que la présente critique pourra inciter quelques curieux à aller le voir en ces temps de pénurie cinématographique.

Au passage, ne lisez pas les critiques presse, ne regardez pas la bande annonce, qui se permettent d’en dire/montrer bien plus que de raison. Je suis allé le voir en ne sachant que ce que j’ai dit dans l’introduction, et je vous conseille de faire de même, car nous tenons là un film qui a toute les chances d’être le polar de l’année.


8.5/10


Arnaud



[ L'avis de Romain]

Animal Kingdom se révèle froid, brutal et puissant. Se concentrant davantage sur la psychologie des personnages que sur l'action, le film prend une dimension familiale plus qu'intéressante. Techniquement c'est du solide avec une mise en scène sobre mais d'une élégance folle et une photographie travaillée. Le scénario est fort bien maîtrisé et les acteurs sont vraiment très bons. Un film policier/noir qui casse les codes du genre et qui offre bien des surprises. Une perle!

8/10

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26 avril 2011 2 26 /04 /avril /2011 19:00

    True Grit est le quinzième long-métrage des frères Coen (No Country For Old Men, The Barber...) et constitue le premier western des célèbres frangins. Ce film est le remake de Cent Dollars Pour un Shérif d'Hathaway pour lequel John Wayne a reçu l'Oscar du meilleur acteur. L'original est un film sympathique mais bourré de défauts, la grande question était de savoir si les Coen ont réussi à en faire un meilleur film. Verdict.

 

http://yerrus.courseapied.net/photos/5228-11%20%20true%20grit.jpg

 

    Le True Grit version John Wayne pêchait surtout par sa niaiserie et son horripilante actrice principale Kim Darby, parfait sosie de Justin Bieber (je vous jure, tapez "Darby Bieber" sur Google images et vous aurez un choc!). En revanche on ne pouvait lui reprocher la performance des autres acteurs (Wayne, Duvall, Hopper) et sa capacité à divertir avec brio.

    Le True Grit version Coen quant à lui se paye aussi un casting sympathique avec notamment Jeff Bridges, Matt Damon et Josh Brolin. Ma plus grande inquiétude était tout de même de savoir si la jeune actrice qui allait reprendre le rôle de Darby (brrrh) allait relever le niveau ou être pire que l'ancienne (pour vous dire à quel point elle m'a traumatisé). Et fort heureusement la jeune Hailee Steinfield s'en sort honorablement, soulagement!

    Trêve de plaisanteries, True Grit se montre plus mature, plus sombre que son prédecesseur tout en gardant la petite touche humoristique propre à l'original. Et pour ce qui en est de la technique c'est tout bonnement admirable. La mise en scène reste sobre mais très efficace, pas d'effets de style superflus et de plus quelques plans sont jolis. La photographie dans son ensemble est très plaisante, le film nous transporte en partie grâce à son efficacité visuelle.

      http://www.filmofilia.com/wp-content/uploads/2010/12/true_grit_jeff_bridges-535x355.jpg

 

    Le scénario change peu par rapport à l'original et ne reste pas forcément folichon ni d'une folle ingéniosité mais il reste bien écrit et sympathique, de plus les Coen semblent maîtriser parfaitement leur sujet. True Grit a cette particularité de montrer des anti-héros, ni beaux ni propres et motivés par leurs intérêts personnels. Les amateurs de western seront satisfaits et les néophytes voire les détracteurs du genre pourront aussi y trouver leur compte, True Grit vise à plaire au plus grand monde, ce qui est un peu dommage. Je pense que le film aurait mérité de gagner en noirceur et de se détacher un peu de cette ambiance relativement bon enfant.

    Si le film était davantage brutal il aurait pu prétendre à mieux qu'au titre de "bon divertissement". En fait ce que l'on peut déplorer dans True Grit est le manque d'ambition, l'ambiance n'est pas assez travaillée et les personnages ne gagnent pas en profondeur par rapport à l'original, ils sonnent encore un peu creux.

 

    True Grit est réellement un bon film mais un Coen décevant. Il est regrettable que les Coen aient sorti le service minimum pour ce remake qui demeure cependant meilleur que l'original car il gagne sur tous les aspects hormis peut-être le scénario. Ce manque d'audace ne gênera pas tant que ça au final, le film reste bien divertissant et l'aspect technique maîtrisé nous offre un bon moment. Néanmoins on attendra davantage des Coen brothers sur leur prochaine réalisation.

 

7/10

 

Par Romain

 

 

[L'avis d'Arnaud]

Après plus de 15 ans d'une carrière bien remplie (un film par an en moyenne), les Coen consacrent enfin un film au genre autour duquel ils ont toujours tourné: le western. Evoqué dans Sang pour sang et Fargo, approché dans une forme moderne et épurée avec No Country For Old Men, ils s'y consacrent totalement cette fois au travers du remake d'un classique. N'ayant pas vu ce dernier, j'ai vu le film sans autre attente que de voir le nouveau Coen après le mémorable A Serious Man. N'y allons pas par quatre chemins, c'est une petit déception. La mise en scène et la photographie sont soignées, les personnages plus creusés que la moyenne et dotés de solides interprétations et assurent déjà un spectacle de qualité. Le problème du film est que ça ne va pas beaucoup plus loin par faute d'un scénario de facture classique, qui même s'il évite quelques lieux communs ne réserve que trop peu de surprises. Un bon film, mais un Coen mineur.   -   7/10

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25 avril 2011 1 25 /04 /avril /2011 14:17

           Darren Aronofsky ( Requiem for a Dream, The Wrestler) est un réalisateur ayant le don de diviser du monde dans la sphère cinématographique et dans le public. Ce n'était pas sans a priori que je me suis déplacé au cinéma dans l'optique de voir Black Swan, sa toute dernière production. Et pourtant l'amoureux du cinéma que je suis a été plutôt comblé par ce film. 

(De légers spoilers peuvent intervenir lors de la critique)


http://s.excessif.com/mmdia/i/60/4/black-swan-de-darren-aronofsky-10362604cpxae.jpg?v=1

 

       Certes il n'est pas exempt de défauts, j'y reviendrais plus tard. Tout d'abord les (nombreux) points positifs. Et bien je dirais la mise en scène, elle qui subit moultes reproches. Je l'ai trouvé travaillé et judicieuse. Au départ ça m'a pas plu plus que ça mais en fin de compte je l'ai trouvé remarquable dans sa façon de rendre le film oppressant. Il filme en gros plan et limite semble tenailler ses personnages, quelque part il les enferme, ils leur ôte leur liberté, leurs vies semblent contrôlés, ils ne les laissent pas vivre et ça donne au final une mise en scène infernale. Une caractéristique que l'on retrouve également lors des scènes de danse.

 

       Caméra à l'épaule, Aronofsky se place au coeur de l'action. C'est une caméra hésitante qui est là au coeur de la chorégraphie, elle tremble tout en filmant en gros plan, de par son déséquilibre constant elle donne cette sensation de fragilité, cette impression que tout peut se casser la gueule et en beauté. J'ai trouvé cette réalisation infernale et j'ai vraiment aimé ça, aux premiers abords ce n'est pas forcément beau mais en tout cas c'est judicieux et parfaitement en phase avec le sujet qui est ici la folie. La folie dans Black Swan, justement parlons-en. On y suit pas une évolution croissante, disons qu'on suit une évolution étapes par étapes, en adéquation avec le schéma narratif suivi par le réalisateur. Les raccords sont bruts, les transitions sont brutes, on a l'impression d'être immergés dans cette folie-même, avec son caractère imprévisible et brutal.

 

       Je m'attendais à quelque chose de plus "Lynchéen" mais en fin de compte j'ai aimé ce parti pris, cette gradation de la folie car après tout une folie n'est pas forcément constante, on ne peut pas savoir vraiment ce qui se passe dans la tête de quelqu'un. Nina (Natalie Portman) est une femme fragile et perturbée. Avec cette accumulation de pressions de la part de son coach, de ses collègues, de sa mère et de sa future carrière qui se profile à l'horizon, son état mental en pâtit singulièrement et se dégrade plus vite que prévu, elle se retrouvera limite enfermée dans son rôle (ce qui est déjà arrivé à certains comédiens) et est en proie aux doutes, aux fantasmes et devient contrôlée par son inconscient, c'est quelque chose qui m'a bien plu, niveau ambiance j'ai été comblé.


http://www.exceptionn-elle.fr/wp-content/upLoads/Natalie-Portman-Black-Swan.jpg

           Les comédiens sont géniaux. Natalie Portman en tête, elle offre ici sa meilleure performance je trouve. Son personnage sur le papier aurait pu m'agacer mais au final je m'y suis fortement attaché, son personnage m'a ému et transporté. Vincent Cassel y trouve un très bon rôle aussi et Mila Kunis y joue Lily, la femme troublante et sensuelle, dont ses ambitions restent fort ambigues. La musique y est très belle, elle emprunte à l'oeuvre originale de Tchaïkovski et se mêle à la partition de Mansell de grande classe. La musique est peut-être un poil omniprésente, elle appuye les moments dramatiques sans trop de subtilité mais ouf, j'ai trouvé que le réalisateur n'en faisait pas des tonnes non plus et c'est à mettre au crédit du film. On peut trouver le film répétitif, moi j'ai trouvé cette répétitivité essentielle dans le déroulement de l'histoire, elle illustre bien après tout la façon dont on prépare un spectacle.

 

         Après je pourrais reprocher au cinéaste de recourir à quelques facilité comme les scènes surprenants avec triple volume au niveau du son (c'est classique, facile et archi-usé mais ça a quand même marché sur moi et je n'en ai pas honte). Pour moi ces petits détails font rater au film le statut de chef d'oeuvre mais pour ma part Black Swan est un grand film qui m'a vraiment beaucoup touché. Je l'ai trouvé beau, intelligemment mis en scène, prenant, le tout servi par de grands interprètes et j'ai apprécié cette peinture noire du monde de la danse qui a le mérite de soulever les points négatifs mais en évitant de rendre ce monde (et le monde du spectacle en général) impitoyable, car après tout l'ambiance cauchemardesque du film provient de Nina surtout, avec sa fragilité et les autres pressions présentes ailleurs que dans sa compagnie de danse.

        Je terminerai sur le ballet final intense qui mêle coulisses et scène nerveusement, on y voit peu la chorégraphie, on y suit surtout un personnage en plein doute et qui s'abandonne le temps d'un spectacle, c'est saisissant. Pour moi un grand film, j'ai véritablement adoré. Aronofsky me plaît décidément de plus en plus.

 

8/10

 

Par Romain

 

 

[L'avis d'Arnaud]

Aronofsky était déjà pour moi l'un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération avec les coups de maître que sont Requiem for a Dream et The Wrestler, et il confirme aisément ce statut avec un film sombre et jusqu'au-boutiste. Il reprend ici le schéma narratif et visuel de The Wrestler, s'appuie également sur une performance d'acteur impressionnante (Oscar mérité pour Natalie Portman), tout en rendant un hommage appuyé à La mouche de Cronenberg. A mi-chemin entre film de genre et film d'auteur, porté par une mise en scène furieuse, démente et inspirée, Aronofsky vise haut et je déplore d'autant plus que de nombreux jump scares ringards viennent entacher cette oeuvre. Une vraie expérience de cinéma dont on ressort épuisé.   -   8/10




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