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18 mars 2019 1 18 /03 /mars /2019 18:05

       Dick Cheney. Un nom qui semblait si familier durant le mandat Bush Jr mais dont nous ne savions finalement pas grand chose. Et c’est là tout le sujet de Vice, s’attaquer à la vie de cet homme de l’ombre qui a fortement pesé dans la politique américaine depuis les années 70. Le terme « s’attaquer » prend d’ailleurs ici tout son sens tant le cinéaste Adam MacKay va s’acharner à démonter tout un système politique à travers cette figure énigmatique et controversée. Il n’y aura jamais tromperie sur la marchandise tant la démarche est explicite, nous assistons ici à un véritable film à charge pleinement assumé. Et comme tout film à charge qui se respecte, il n’y aura aucun consensus possible et les avis auront du mal à être unanimes. D'autant plus que la liberté de ton de Vice peut aussi dérouter plus d’un spectateur. Un film aux multiples facettes donc qui a beaucoup de choses à raconter et avec panache. Peut-être un peu trop?

Vice

       Après une courte (et amusante) séquence d’introduction présentant les difficultés à faire un film sur un homme aux nombreuses parts d’ombre, le film démarre in media res dans un contexte qui constitue le point d’orgue de la carrière de Cheney : les attentats du 11 Septembre. Mais comment cet homme peu connu et peu charismatique a-t-il pu se retrouver dans cette salle pour prendre des décisions urgentes pour solutionner cette crise inédite et inouïe ? C’est l’un des propos du film, montrer cette ascension sur les marches du pouvoir et les étapes/limites à franchir pour arriver ses fins.

       La narration du film, non-linéaire, est assurée par un mystérieux personnage dont on apprendra le rôle un peu plus tard. Difficile de ne pas être intrigué par ce procédé tout comme il est difficile de ne pas être intrigué par le portrait dressé de Dick Cheney qui apparaît déjà comme étant un homme de contrastes dès sa jeunesse. Aussi intelligent qu’intenable (viré de Yale après une bagarre), mutique et imprévisible, difficile d’imaginer que cet électricien troublé deviendra l’un des hommes les plus puissants de son pays. C’est ce qui est d’ailleurs très intéressant, de voir comment un homme si effacé d’apparence parviendra petit à petit à poser ses pions pour affirmer son emprise autour du pouvoir, aidé par une épouse aux dents longues.

 

       Et c’est ce qui est vraiment palpitant dans ce film, cette progression de Cheney dans la vie politique. Cette plongée dans les arcanes du parti républicain est captivante avec l’accumulation de plusieurs contextes géopolitiques controversés et passionnants (la guerre du Vietnam, le Watergate, le 11 Septembre, etc.). Les grandes étapes de cette carrière sont à la fois marquées par le travail, la chance et les opportunités plus que par un réel sens. On notera cette scène marquante où Cheney s’interroge un temps sur la vision politique des républicains, ce qui déclenchera un fou rire chez Donald Rumsfeld (incarné ici par Steve Carrell). Le film est dans l’ensemble très cynique et acerbe sur le monde politique, ce qui aurait pu être plus marquant s’il ne cantonnait pas qu’au simple monde républicain.

        C’est bien là toute la limite d’un film orienté politiquement et qui ne va pas faire preuve d’un sens de la nuance exemplaire. Ça vise juste dans bien des cas mais ça tombe également dans la facilité et la spéculation. Spéculation qui, même si elle apporte un point de vue intéressant sur Cheney et l’Amérique en général, reste très discutable sur le plan éthique. Ceci dit la part de véracité reste majoritaire et fait plutôt froid dans le dos. Quand on pense à l’intervention américaine en Irak qui favorisait les intérêts de Cheney ou encore la douleur qu’il inflige à sa fille homosexuelle en se positionnant contre les avancées LGBT, on se dit qu’on avait affaire à un sacré personnage qui contraste fortement avec l’image qu’il dégage.

Vice

       Vice est donc un film à l’image de son personnage : plein de contrastes. On a d’un côté une mise en scène dynamique et originale qui sort des sentiers battus du biopic mais ce côté insolent peut s’avérer lassant à la longue tant les effets se multiplient trop souvent. Sur le fond il y a de la matière qui pousse à la réflexion et qui dérange mais encore une fois le côté très orienté et à charge peut déranger. D'autant plus qu’il ne s’agit pas forcément de sujets ultra récents. Contemporains certes mais pas récents. On les connaissait les mensonges liés à l’invasion de l’Irak et les fameuses armes de destruction massives. Et si en parler et montrer les coulisses est intéressant, j’ai l’impression que McKay cherche à nous choquer à partir d’un truc inouï que nous connaissions déjà. C’est du moins la sensation que j’en ai eu, peut-être est-ce dû à cette fougue et cette énergie créatrice folles mais mal canalisées?

       J’appuie volontairement sur les aspects plus dérangeants du film pour mettre en avant ce qui me perturbe un peu mais je ne peux pas dire que je ne l’ai pas apprécié. Il y a quand même une certaine intelligence de traitement dans l’ensemble et le récit est prenant grâce à son approche quasi documentaire. Christian Bale offre une performance solide tant il arrive à s’effacer derrière son personnage (et pourtant Dieu sait que les métamorphoses d’acteurs m’insupportent). On notera également les prestations excellentes d’Amy Adams, Steve Carrell et Sam Rockwell. Ce dernier est génial d’ailleurs dans son incarnation d’un George W. Bush sur lequel on a un angle de vue intéressant, celui d’un pantin plus que d’un leader.

 

       Vice soulève des questions intéressantes tantôt avec habileté tantôt avec maladresse. Il peut enthousiasmer comme exaspérer et faire preuve de finesse comme de lourdeur. Et c’est vraiment dommage que le parallèle très évitable avec la politique de Donald Trump soit dressé dans cette scène de générique qui tombe dans une facilité vulgaire. Pour le reste on tient un film intrigant qui nous offre une plongée passionnante dans le monde politique malgré quelques défauts parasites. L’ampleur du sujet était peut-être trop grande pour tenir sur un seul film de 2 heures mais ce qui est évoqué a de quoi marquer, interroger et alarmer.

       C’est d’ailleurs ce qui fait que je recommande le visionnage de ce film qui explore des pistes intéressantes sur lesquelles le spectateur peut s’appuyer pour creuser le sujet de son côté. C’est ce qui pourra définir Vice, à savoir un fond brut très riche mais traité de manière un peu trop superficielle.

 

Romain

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