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23 avril 2017 7 23 /04 /avril /2017 16:52

Vous devez vous en douter, nous étions censés vous livrer ce top en début d'année pour qu'il ait une certaine pertinence. C'était sans compter sur les aléas de la vie et autres impondérables, ainsi que notre ambition démesurée qui nous a poussé à vous proposer un podcast pour faire le top séries. Forcément, il a essuyé les pots cassés et il a fallu faire avec de multiples problèmes techniques, mais au moins nous sommes rodés pour vous en proposer d'autres si le format convainc !

C'est donc avec fierté (et beaucoup de retard) que nous vous présentons ce premier podcast ainsi que les tops 2016 des différentes rédacteurs du blog. Le tout est trié par ordre alphabétique, aucune crise d'ego de ma part.

 

 

 

 

 

Tops 2016 films et séries

Arnaud

 

  1. Les 8 salopards, de Quentin Tarantino

« Encore un western ? » pouvait-on penser à l’annonce du nouveau Tarantino : il semblait en effet étonnant qu’il ne poursuive pas son exploration des genres, surtout avec sa volonté réaffirmée de s’arrêter à dix réalisations. Un nouveau western, certes, mais un quasi huis-clos frôlant les 3h, dans un format de pellicule oublié, avec un casting de malade et dans la neige, il n’en fallait pas plus pour attendre un des meilleurs films de l’année. Et ça sera bien son seul défaut, sortir début janvier et mettre la barre un peu haut pour l’année, sinon que pourrais-je reprocher ? Tout au plus un ou deux dialogues qui auraient pu être un chouia dégraissés, sinon on tient un des meilleurs films de son auteur. Un concept simple et jouissif au croisement de Reservoir Dogs et The Thing (les références ne manquent pas, Morricone faisant parfaitement le lien entre ce film et le western), sur fond de rancœurs à peine dissimulées de la Guerre de Sécession, une mise en scène ample et millimétrée qui tire pleinement partie des lieux et de sa galerie de personnages peu recommandables, des dialogues parfaitement ciselés… La gestion de la tension montre que Tarantino ne se repose pas sur ses lauriers, il renouvelle au contraire sans cesse jusqu’à ces explosions de violence baroques dont il a le secret. Un film bien plus mature et intelligent que l’on aurait pu imaginer, qui ne peut que rendre curieux de voir comment le plus cinéphile des cinéastes actuels pourra conclure sa carrière.

 

  1. Ma vie de courgette, de Claude Barras

Les films d’animation français (de qualité) restent relativement rares, alors en stop motion, difficile de ne pas déborder d’enthousiasme. Je suis particulièrement friand de cette technique si complexe et minutieuse, qui m’a profondément marqué étant plus jeune avec les fameux Wallace et Gromit. Pour revenir à notre film français, il nous décrit sans pathos un orphelinat que va rejoindre le Courgette en question. Difficultés de l’enfance et de l’adolescence, perte, éducation, premiers amours, vie en communauté, exclusion, autant de sujets matures abordés sans détour et sans maladresse sur les 80 petites minutes de ce film. C’est d’ailleurs le seul reproche que j’ai à lui faire, tout est tellement réussi et passionnant que j’aurais bien prolongé la séance.

 

  1. Manchester by the Sea, de Kenneth Lonnergan

Qui a entendu parler de Margaret à sa sortie, ou même depuis ? Film maudit du réalisateur en question, qui a failli le dégoûter de son métier, devenu culte dans le cinéma indépendant américain, mérite d’être (re)découvert. Le sens de la dramaturgie et la direction d’acteurs m’avaient particulièrement convaincu, et on ne peut que se féliciter de son retour en force avec le présent film. Ici aussi, de nombreux sujets difficiles sont abordés (je ne dévoile rien) avec tact et pudeur, bénéficiant surtout d’une écriture brillante autant dans la construction de l’intrigue que dans le naturel des dialogues et la sincérité qui se dégage des personnages. Je n’ai personnellement pas vu le temps passer, bluffé entre autres par la performance de Casey Affleck. Un grand drame américain moderne, et la confirmation d’un cinéaste à suivre.

 

  1. Voyage à travers le cinéma français, de Bertrand Tavernier

Quand l’inénarrable Bertrand Tavernier piquer un concept à Scorsese pour parler cinéma français, il ne fait pas les choses à moitié. Des débuts du cinéma jusqu’à la Nouvelle Vague (à prolonger/compléter par une minisérie), le cinéaste met au service d’un documentaire fleuve sa verve, son humour et surtout sans culture de cinéphile insatiable. Plutôt qu’une simple histoire des grands moments comme on peut en voir tant ailleurs, il découpe son film en différentes parties qui s’imposent naturellement, telles que la composition de bande-son ou Jean Gabin. Un documentaire excessivement passionnant qui donne envie de découvrir tout un tas de films et de se cultiver un peu plus sur un cinéma national foisonnant que nous ne connaissons bien souvent que trop mal.

 

  1. Green Room, de Jeremy Saulnier

Pour moi de loin le film de genre de l’année passée ! J’avais déjà été largement convaincu du talent de Saulnier par son film précédent, le sombre Blue Ruin, et il confirme largement mes attentes. Un survival radical avec des punks, des néo-nazis et Patrick Stewart en méchant, comment pouvait-il en être autrement ? Alors oui on pourra dire que tout n’est pas parfait, qu’il y a tel raccourci ou telle facilité ici ou là, mais ce n’est pas moi qui m’arrêterait dessus quand on me propose quelque chose d’aussi généreux, jouissif et tétanisant. Au passage, RIP Anton Yelchin, ça me fera une bonne raison de revoir le film dans quelques années (mais merde, quand même).

 

  1. Ma Loute, de Bruno Dumont

Voir Bruno Dumont continuer dans la veine de P’tit Quinquin n’avait rien d’un problème pour moi, surtout avec la venue d’un certain Fabrice Luchini. Dès le début, entre le pittoresque acclamé de la région et l’extase affichée devant une certaine glycine, je tenais deux des répliques les plus drôles du cinéma français récent. Ajoutons à cela une famille de bourgeois au bord de la crise de nerfs, des locaux pas si accueillants, un nouveau duo de policiers hilarant, une intrigue étirée à l’envi qui ne se refuse aucune digression, et on tient bien une comédie qui ne peut pas plaire à tout le monde mais revendique une singularité des plus attachantes.

 

  1. La loi de la jungle, d’Antonin Peretjatko

Deux comédies françaises de qualité la même année dans mon top 10, serait-ce une erreur ? Et non, Peretjatko lui aussi confirme après sa Fille du 14 juillet qu’il va falloir compter sur lui et son univers de doux rêveur déjanté, toujours en léger décalage avec la réalité mais pas trop. Les stages à n’en plus finir, l’administration qui n’a aucun sens, les agences « Génération Intérim », les projets abscons, il y a toujours quelque chose dans son absurde qui nous ramène subtilement à la réalité, même en pleine jungle guyanaise. Et surtout, il y a Guillaume Macaigne et Vimala Pons.

 

  1. The Strangers, de Na Hong-jin

Ayant adoré The Chaser, je ne pouvais qu’attendre le nouveau film de Na Hong-jin, avec ses excellentes critiques et ses 2h36 de policier dérivant vers le fantastique. C’est un long-métrage épique et surtout bordélique qu’il nous propose, ce qui semble être intentionnel même si je suis loin d’avoir tout compris, je l’admets. Ceci n’empêche pas d’être scotché, loin de là, par autant de générosité dans tous les genres abordés, avec une mention spéciale pour des scènes de poursuites et de tension à couper le souffle, ainsi qu’un certain exorcisme d’une intensité éreintante. Loin d’être parfait lui aussi, mais hautement recommandable.

 

  1. Premier Contact, de Denis Villeneuve

Après avoir traité la violence et la névrose sous de multiples formes, Villeneuve prend de la hauteur et adapte une nouvelle abordant – enfin – l’arrivée d’aliens sur Terre sous la forme d’une recherche de communication et d’échange plutôt que d’invasion destructrice. Le tout est pour le moins rafraichissant, avec toujours sa gestion admirable de la tension et de l’attente. Tout juste quelques petits reproches qui peuvent être faits au niveau de l’écriture, mais je me suis laissé emporter par cette œuvre qui, espérons-le, augure du meilleur pour la suite que notre cher canadien apporte à Blade Runner.

 

  1.  Nocturama, de Bertrand Bonello

Le réalisateur du très bon L’apollonide qui adapte du Bret Easton Ellis, voilà qui avait de quoi me donner des frissons. Il est malheureusement difficile de parler de ce film sans trop en dévoiler l’intrigue, ce qui jouerait contre lui. Il faut pourtant le défendre car les films français ambitieux comme celui-ci manquent, et il a connu un échec assez cuisant en salles. Sachez que c’est un film lent, intriguant, dérangeant, qui ne pouvait prendre toute son ampleur que sur le grand écran mais pour lequel il était difficile de faire de la publicité. La bande-annonce était à mon humble avis très maline pour donner envie de le voir sans rien dévoiler, mais ça n’a pas suffi. Je me rends compte, autant de mois après, que c’est le genre de film dont je garde un souvenir précis de l’impression qu’il m’a faite, mais dont je ne suis pas capable de parler aisément (la conclusion n’y est pas étrangère).

 

 

 

Tops 2016 films et séries

Martin

 

  1. The Assassin, de Hou Hsiao-Hsien

Ma grosse claque cinéphilique de l’année, c’était donc le dernier Hou Hsiao-Hsien. Inutile de chercher à comprendre les tenants et aboutissants de cette histoire de trahisons et de politique en pleine Chine médiévale, le film est avant tout un manifeste esthétique sans précédent. Le cinéaste pousse l’art de l’image à son paroxysme, chacun de ses plans est composé et photographié avec une extrême minutie, et parvient surtout à créer un vrai rythme, lancinant, presque hypnotique pour peu qu’on accepte de s’y plonger, entrecoupé de très brèves brèves montées d’intensité. L’expérience est unique, presque impossible à décrire. The Assassin, c’est aussi le plus beau personnage de l’année : Yin Niang incarnée par la belle Shu Qi, ou la tueuse dont la technique parfaite sera à jamais handicapée par l’humanité de ses sentiments.

 

  1. La Tortue Rouge, de Michael Dudok de Wit

2016 fut une très grosse année en terme d’animation, et ma palme du domaine revient à La Tortue Roue, premier long-métrage de Michael Dudok de Wit. Le film prend la forme d’un conte, qui part d’une relativement banale histoire de survie sur une île déserte avant de se transformer en véritable chronique sur la vie et l’existence. L’approche de Dudok de Wit m’a touché par son épure, le choix de renoncer à tout dialogue, à toute volonté de contextualiser son histoire pour lui donner une portée universelle. L’émotion n’en est que plus palpable qu’elle se lit sur les seuls visages des personnages, qu’elle n’est pas transmise par la parole mais par la seule force de l’animation, de la musique (très belle, d’autant plus qu’elle n’est pas omniprésente et laisse souvent le silence s’exprimer).

Le cinéaste semble tirer le meilleur parti de ses influences, celle du studio Ghibli et d’Isao Takahata (consultant sur le film) de laquelle certaines séquences oniriques puisent toute leur essence, mais aussi le dessin européen, comme l’atteste l’animation et les traits des personnages directement empruntés à Hergé. 

 

  1. Les Huit Salopards, de Quentin Tarantino

Le dernier Tarantino a divisé, plus que d’habitude pour le cinéaste. Pourtant, derrière la poussée au paroxysme de ses tics habituels (dialogues à rallonge, montées de tension insoutenables suivies d’explosions de violence exacerbée), le réalisateur continue à penser son cinéma et livre un de ses films les plus radicaux. La situation confinée de son western lui permet de tirer le meilleur de ses personnages et de son excellent casting : chaque ligne de dialogue a un sens et participe à la construction d’un propos sur la paranoïa et le mensonge au cœur de l’Amérique post-guerre de Sécession. Une sorte d’antithèse de l’héroïsme de Django Unchained, sublimée par une mise en scène plus précise que jamais, aussi brillante pour filmer les éclats de violence et les vastes paysages enneigés que les simples dialogues. Ce n’est pas mon Tarantino préféré mais c’est peut-être son meilleur.

 

  1. Ma Vie de Courgette, de Claude Barras

Le cinéma d’animation français aura vécu de fort beaux moments en 2016, comme l’atteste cette petite pépite du stop-motion, premier long-métrage de Claude Barras. Malgré sa direction artistique colorée et les traits ronds de ses personnages, Ma Vie de Courgette traite d’un sujet assez dur : celui de l’abandon tel que vécu par une bande d’enfants vivant dans un orphelinat. Le film ne prend pas spécialement de pincettes et ose aborder ses thématiques frontalement mais sans toutefois tomber dans les travers du mélodrame larmoyant.

Tout le récit est vécu à travers l’œil de l’enfant, ce qui lui donne sans doute sa grande force émotionnelle, tant la naïveté contraste merveilleusement avec les situations parfois insoutenables vécues par cette bande de mômes. Court, très simple dans sa narration, Ma Vie de Courgette n’a pas l’air de grand-chose mais reste sans doute l’un des chocs émotionnels de cette année pour moi.

 

  1. Premier Contact, de Denis Villeneuve

On est un peu en manque de grande SF ces temps-ci au cinéma, c’est pourquoi c’est d’autant plus enthousiasmant quand un réalisateur confirmé comme Denis Villeneuve choisit de s’y consacrer. Premier Contact revisite le schéma du film de prise de contact avec une entité extraterrestre et parvient à tirer le meilleur de ses illustres influences (de Spielberg à Kubrick en passant par Robert Wise) tout en prenant une forme propre. Remarquablement mis en scène, le film se distingue par sa gestion millimétrée de la tension, de l’appréhension du fameux contact et son jeu habile sur l’antispectaculaire. Une vraie leçon.

Ce qui lui donne une vraie portée émotionnelle, c’est d’adopter tout du long le point de vue du personnage d’Amy Adams, qui rend toute sa consistance et son humanité au récit. Ainsi, même si certains éléments du scénario, et notamment la résolution de l’intrigue, peuvent paraître un peu gros, tout fonctionne à merveille parce que traité sous un angle intime et sensible. De quoi à la fois en faire un des plus beaux films du cinéaste et l’un des meilleurs films de SF récents tout en augurant du meilleur pour la suite de Blade Runner, prévue dès la fin de cette année.

 

  1. An - Les Délices de Tokyo, de Naomi Kawase

La sucrerie douce-amère de l’année. Naomi Kawase met son style très épuré au service d’une forme de récit plus conventionnelle que par le passé, mais c’est ce qui fait sa force quelque part. Difficile de rester de marbre devant cette relation entre un vendeur de dorayaki (pâtisserie japonaise à base de pâte aux haricots rouges) maussade et lessivé et une vieille femme aux dons de cuisine prodigieux.

S’il y a bien sûr le plaisir des scènes de préparation culinaire, minutieuses et appétissantes, le vrai intérêt du film est ailleurs. A travers ses deux personnages et leur rapport au monde, Kawase tisse une vraie fable sur l’exclusion et ceux qui vivent en marge de la société. Parfois assez triste, rempli de nostalgie, Les Délices de Tokyo est traversé par l’amour de la réalisatrice pour ses personnages et sa manière, toujours très brute, de filmer l’élément naturel.

 

  1. Nocturama, de Bertrand Bonello

Une bande de jeunes commettant des attentats à Paris, c’est un peu l’archétype du sujet de film à double tranchant. Bertrand Bonello parvient à déjouer les pièges qui auraient pu se poser à lui : en déconnectant son film de tout événement réel, en laissant volontairement floues les motivations des “terroristes”, il évite de se cantonner à la simple chronique d’évènement polémique et donne à son propos une portée intemporelle. Nocturama, c’est avant tout l’histoire d’une jeunesse perdue, désespérée, dont la seule possibilité d’appel à l’aide réside dans la violence.

Si j’aime beaucoup toute la première partie, construite comme un thriller extrêmement minutieux, c’est réellement dans sa deuxième heure que le film prend toute sa dimension, en se muant en errance nocturne au milieu d’une galerie marchande déserte. Le film se fait plus onirique, plus symbolique aussi (l’idée de jeunes révoltés contre la société réfugiés dans un temple de la consommation parle d’elle-même) et encore plus fascinante, avant de se terminer par ce qui est probablement la fin de film la plus glaçante de cette année.

 

  1. Le Garçon et la Bête, de Mamoru Hosada

N’ayant pas eu l’occasion de voir Your Name, c’est sans doute le dernier Hosoda qui figurera au sommet de mon panthéon de films d’animation japonais cette année. Après la réussite des Enfants Loups, le réalisateur se penche à nouveau sur la thématique de la parentalité et interroge les limites des liens du sang en mettant en scène une touchante relation de père à fils adoptif. Le fantastique est une nouvelle fois utilisé non pas comme une fin en soi mais comme un moyen d’illustrer par la métaphore les tiraillements liés à l’enfance, ici ceux d’un jeune garçon pris d’hésitation entre son monde d’origine (celui des hommes) et son monde d’adoption (celui des bêtes).

Beaucoup plus orienté vers l’émotion que l’action, le film bénéficie du talent habituel de Hosoda, capable d’exacerber les sentiments dans de grandes envolées de mise en scène comme d’exprimer des idées à travers de simples plans fixes à l’animation minimaliste. Je n’ai finalement pas grand chose à lui reprocher à part le recours aux CGI un peu trop appuyé et un dernier acte moins subtil que le reste.

 

  1. Ma Loute, de Bruno Dumont

Bruno Dumont a décidément bien fait de réorienter sa carrière vers la comédie. Après l’excellent P’tit Quinquin (qui n’avait de série que le format de diffusion), il continue son exploration du genre de manière surprenante avec Ma Loute. L’humour de Dumont dépasse son simple sens du gag, de la réplique qui fait mouche, pour élaborer un vrai univers de cinéma fondé sur l’absurde et l’extravagance. D’ailleurs, malgré de véritables fou-rires, le ton n’est jamais trop léger, il y a toujours un côté très cru dans sa manière de mettre en scène. On ne sait jamais trop à quel moment il faut rire franchement, être ému, effrayé ou juste regarder avec distance l’étrange spectacle qui se déroule sous nos yeux.

Ce sont surtout ses personnages qui marquent l’esprit, entre un chef de police véritable qui est un personnage de cartoon vivant et des bourgeois hystériques et pathétiques (Juliette Binoche et Fabrice Luchini sont impériaux). J’ajouterais également une histoire d’amour profondément belle et pourtant pleine d'ambiguïté, comme Dumont sait si bien les filmer. Probablement pas son meilleur film mais assurément son plus délirant et entraînant, pour peu qu’on se laisse happer par ce ton si particulier.

 

  1. Toni Erdmann, de Maren Ade

Toni Erdmann fait partie de ces films qui ne me faisaient pas spécialement envie en entrant dans la salle et qui finissent dans mes coups de coeur de l’année. Cette chronique d’une relation père/fille tumultueuse marque avant tout par la justesse de son traitement. Maren Ade écrit et filme son sujet avec énormément de naturel, fait durer les scènes le temps qu’il faut et évite de plomber son propos avec des artifices trop évidents. Elle mélange subtilement le drame et la comédie, développant un sens de l’absurde et du surréalisme qui n’entrave jamais toute la puissance dramatique de l’oeuvre.

Difficile de ne pas être ému par ce rapport filial houleux, entre un père décalé et maladroit dans ses tentatives d’humour potache et une fille à la vie de femme d’affaire très (trop ?) bien rangée. D’autant plus que le duo principal formé par Peter Simonischek et Sandra Hüller est d’une justesse folle.

 

 

 

Tops 2016 films et séries

Olivier

 

  1. Les Huit Salopards, de Quentin Tarantino

Au sommet en 2016, comme en 2014 avec Django Unchained, Quentin Tarantino et ses Huit Salopards. Huis clos glacé entre des énergumènes tous plus inquiétants les uns que les autres sur fond d’ambiance post-guerre de sécession propice à tous les règlements de compte. Tarantino maîtrise totalement son film et je me range du côté de ceux qui parlent d’un vrai film de la maturité pour le réalisateur américain. La photo est sublime et la mise en scène parfaite alors qu’on pouvait craindre l’étouffement. Les éruptions de violence sont aussi rares que jouissives et le casting est au diapason de cette œuvre singulière, avec une mention spéciale pour Jennifer Jason Leigh, qui se métamorphose littéralement au fur et à mesure du film. C’est pour moi très clairement le film de l’année 2016.

 

  1. Manchester By The Sea, de Kenneth Lonnergan

Sorti à la toute fin de l'année 2016, le drame américain interprété par un extraordinaire Casey Affleck, littéralement habité et récompensé comme il se doit par l’Oscar du meilleur acteur, a marqué les fêtes de fin d'année de sa triste emprunte. Un film bouleversant se situant en grande partie dans la ville de Manchester-by-the-sea, Massachussetts. La beauté glacée de cette ville de bord de mer fait écho à la tristesse qu'on peut lire dans les yeux de la plupart des personnages de ce magnifique drame. Impossible de parler du scénario sans en dévoiler trop, le mieux est donc d'aller (re)voir ce grand film.

 

  1. Nocturama, de Bertrand Bonello

Le très décrié Nocturama se trouve en troisième position de mon top 2016. Ce film en deux parties a effectivement fait couler beaucoup d’encre et a essuyé de nombreuses critiques. En cause son thème principal trop proche de l’actualité dramatique de notre pays et surtout la distance et le « manque de point de vue et de jugement » de la part de Bertrand Bonello. C’est au contraire ce caractère universel d’une révolte qui ne dit pas son nom qui m’a plu ici. Outre les qualités indiscutables de mise en scène, allant du métro (la ligne 13 !) à la galerie commerciale vidée de ses occupants habituels, le propos m’a énormément intéressé. Et le raisonnement qu’il a avec les horreurs survenus en France ces dernières années ne le rend que plus intéressant.

 

  1. Midnight Special, de Jeff Nichols

On retrouve au pied du podium un de mes réalisateurs préférés, Jeff Nichols avec son film de science-fiction Midnight Special. Michael Shannon, l’acteur fétiche de Nichols, est encore une fois brillant en père dévoué à son étrange fils. Difficile de parler de ce film sans trop en dire, mais j’ai encore en tête des longues séquences nocturnes sur une route filant à perte de vue, des jets de lumière dans la nuit, une Kirsten Dunst tout en tristesse résignée et une ambiance ensorcelante. Jeff Nichols ne cesse décidément de m’épater, années après années.

 

  1. The Assassin, de Hou Hsiao Hsien

Première rencontre avec Hou Hsiao Hsien et première claque. Un film exigeant, très lent et contemplatif, avec quelques éclairs de violence et d’action. Ces scènes sont rares et soudaines, ce qui les rend d’autant plus précieuses. Certains reprochent au scénario d’être incompréhensible pour les spectateurs ne connaissant pas l’histoire chinoise du XIème siècle, mais l’intérêt du film n’est pas dans ces détails de dynastie. Tout est dans l’art du réalisateur à nous faire vivre les complots de la cour, la caméra caressant littéralement les grands voiles qui forment les appartements des protagonistes. A voir et à revoir.

 

  1. Captain Fantastic, de Matt Ross

Viggo Mortensen incarne un père, vivant dans la forêt avec sa famille dans un mode de vie qu’on peut qualifier d’alternatif. Il impose une éducation particulière à ses enfants, mélange de philosophie, d’histoire et de leçons de survie, afin d’être prêt à affronter la vie en toute circonstance. Une éducation que ne renierait d'ailleurs pas le personnage d’Adèle Haenel dans Les Combattants. Une tragédie va frapper cette petite société et forcer le père à prendre la route et ainsi nous faire parcourir le monde moderne et capitaliste et ses zones commerciales décidément toutes identiques. Le personnage du père n’est pas irréprochable car, malgré ses aspirations clairement libertaires, il impose tout de même à sa famille une façon de vivre bien précise et rigoureuse. Ces questions morales jalonnent le film, et c’est avec un immense plaisir que j’ai fait un petit bout de chemin avec cette famille pas tout à fait comme les autres.

 

  1. An - Les Délices de Tokyo, de Naomi Kawase

Un cuisinier désabusé confectionne et vend des dorayaki, des pâtisseries japonaises en forme de petits beignets et fourrés à une pâte de haricot rouge. L’enveloppe est faite main mais il utilise de la pâte de haricot industrielle ce qui rend ses dorayaki très quelconques. Un jour, une petite dame de plus de 70 ans se présente pour répondre pour l’offre d’emploi proposée. Peu importe le salaire, elle veut travailler et ce malgré la déformation de ses mains et son âge avancé. C’est sur cette rencontre que se lance le film, véritable gourmandise japonaise d’une grande douceur. Le film rend hommage au travail bien fait, à la cuisine en particulier, en prenant son temps et en respectant les produits, les gens, bref la vie et le monde. Un très beau film qui apporte du réconfort et de la sérénité et qui semble être presque hors du temps.

 

  1. Ma vie de Courgette, de Claude Barras

Retour de l’animation dans ce Top avec la pépite Ma vie de Courgette. Ce film très court (certains diront même trop court) avait fait grand bruit à Cannes allant jusqu’à emporter le Prix du Jury Un Certain Regard. On accompagne Courgette dans sa découverte d’un petit foyer pour enfants occupé par des petits tous plus attachants les uns que les autres. Leur vie est d’autant plus intéressante et précieuse que chacun a connu un début d’enfance difficile et unique (mort d’un parent, abus, …). La noirceur des causes ayant conduit les enfants dans ce foyer contraste avec le charme des marionnettes et permet à certains scènes au premier abord simple (un repas à la cantine, une boum en classe de neige) d’irradier de lumière. Un vrai coup de cœur à partager avec les petits et les grands.

 

  1. Ma Loute, de Brunot Dumont

C’est le premier film de Brunot Dumont que j’ai vu et je n’ai pas été déçu. Si plusieurs critiques ont émis des réserves lors du festival de Cannes, j’ai été pour ma part totalement séduit par cette farce grotesque et horrifique sous certains aspects. Quel régal de voir Valeria Bruni Tedeschi s’extasier sur le Nord et ses travailleurs si « pittoresques », ses dentelles et froufrous malmenés par le vent. Ou encore Fabrice Luchini, dans un rôle de grand bourgeois bossu et s’extasiant tout autant du panorama que de sa « glyciiiine ». L’horreur est également présente dans le film et est contrebalancée par l’histoire entre Ma Loute et Billie Van Peteghem, énigme romantique s’il en est et magnifiquement portée par Raph, l’interprète androgyne de Billie. Un régal.

 

  1. La Tortue Rouge, de Michael Dudok de Wit

On conclut ce top 10 de l’année 2016 par La Tortue Rouge, le superbe film d’animation de Michael Dudok de Wit, un projet lancé il y a dix ans déjà. Véritable poème visuel, le film nous emmène avec douceur à réfléchir au temps qui passe, à notre place dans la nature et plus globalement au sens de la vie. L’image épurée du film, sublime, est accompagnée d’une musique envoutante et émouvante qui m’a littéralement transporté. Le film ne contenant aucun dialogue, tout passe par les regards et les gestes, laissant au spectateur la liberté d’apprécier les situations émouvantes, comiques ou dramatiques et de les interpréter comme bon lui semble. On pense évidemment à Robinson Crusoé, mais Dudok de Wit nous entraine loin du film de survie, allant plutôt vers le fantastique et l’onirique. Sublime.

 

 

 

Tops 2016 films et séries

Robin

 

  1. The Neon Demon, de Nicolas Winding Refn

Un film qui a indéniablement divisé, mais jamais dans la nuance, entre d’un côté une kyrielle d’adorateurs fanatiques, et de l’autre une meute de réfractaires fatigués par les scories stylistiques d’un auteur sans complexes, qui donne vie à ses obsessions personnelles de façon toujours un peu plus appuyée, extravagante extatique, débordante… Au risque de l’indigestion. Je me range humblement dans la première catégorie, ne cachant pas mon admiration profonde pour un film-ovni tout à fait unique qui, si la qualité d’une oeuvre ne doit être évaluée que sous l’angle de la cohérence absolue entre un contenu thématique précis et une forme enveloppante qui l’épouse de la plus naturelle et évidente des manières, atteint ici un idéal de perfection cinématographique absolu.

 

  1. La Tortue rouge, de Michael Dudok de Wit

Aux antipodes du premier film cité, le coup de crayon minimaliste et épuré de de Wit, à la puissance d’évocation paradoxalement monumentale, saisit la Vie avec un grand V, pleine de grâce et de plénitude dans sa plus bouleversante simplicité, et la retranscrit avec une expressivité graphique sans précédent. Le chef-d’oeuvre animé de l’année.

 

  1. Le Garçon et la Bête, de Mamoru Hosada

Absolu coup de maître de la part d’Hosada, qui réussit le doublé : aussi grandiose dans l’intime (la thématique de la filiation, déjà présente dans Les Enfants Loups, y est traitée avec une sensibilité intacte) que raffiné dans le spectaculaire (la palette chamarrée de couleurs et la chorégraphie des combats éblouissent), Le Garçon et la Bête est une régalade bien typée que seuls les animateurs prodiges du pays du soleil levant sont en mesure d’offrir.

 

  1. Les Huit Salopards, de Quentin Tarantino

Bien que le grand Quentin nous offre une fois encore un précis de réalisation millimétrée, en témoigne ce jeu constant et d’une ingéniosité folle sur les avants et arrières plans, définissant visuellement les rapports de force entre antagonistes en présence, ainsi que son sens inné du dialogue ininterrompu, Les Huit Salopards est une réussite quoi doit également beaucoup à différents artistes que l’on retrouve avec un plaisir non-consommé. Citons pêle-mêle : Samuel L. Jackson, qu’on a pas vu aussi vivant et explosif depuis Pulp Fiction, Morricone, qui manie ici la dissonance et le lancinant avec l’assurance d’un vieux maître, et enfin Rob Richardson, avec son format 70mm peu répandu de nos jours qui donne à l’esthétique du film toute l’ampleur qu’elle mérite. Un western à huit-clos imparable, anxiogène et violent.

 

  1. Batman v Superman : version longue, de Zack Snyder

Peut-être va-t-on m’insulter, me calomnier, me traîner dans la boue, me vilipender ou me lyncher sur la place publique pour le choix de ce film, qui plus est en cinquième position. Mais qu’importe, la cinéphile n’est pas objective et il est tout à fait louable de défendre une oeuvre que l’on a pu (énormément) apprécier malgré un consensus critique presque unanimement défavorable. Dawn of Justice et Snyder, c’est un peu le “ça passe ou ça casse” du film de super-héros. Mais quoi qu’on en dise, ce cinéaste ose des choses, prend des risques, et s’affirme avec un style personnel qui pourra soit provoquer des nausées, soit susciter l’admiration. J’ai personnellement adhéré à ce caractère de démesure ténébreuse apposé aussi bien aux personnages (un Batman plus violent, déterminé et douteux que jamais, incarné par un Affleck impeccable, opposé à un Superman aussi anti-héroïque et fatigué que son opposant) qu’à la mise en scène qui se distingue de la platitude lisse et sans âme propre aux confrères Avengers. Et confère, comme le faisait si bien Watchmen, une allure de grande élégie funèbre à ces figures mythiques qui, écrasées par leurs dilemmes moraux insolubles et terriblement humains, n’ont au final d'exceptionnel et extravagant que leur costume.

 

  1. Toni Erdmann, de Maren Ade

Avec des partis pris qui rappellent fortement ceux d’un Abdellatif Kechiche (naturalisme de l'interprétation, distension extrême de la durée des scènes afin de laisser la tension dramatique et l’émotion se créer d’elles-mêmes, prépondérance du “moment de vie” sur la “scène” classique dont la fonction est d’annoncer la suivante selon une ligne directrice précise), la réalisatrice allemande nous sert LE grand film cannois de l’année, qui nous laisse KO d’émotion devant le spectacle, tour à tour tendre et cynique, de cet affrontement psychologique entre un père clownesque et sa fille psychorigide.

 

  1. Spotlight, de Tom McCarthy

Spotlight, film de reporters profondément “seventies” et digne héritier des Hommes du Président, en reprend la même sobriété et livre une enquête passionnante sur un scandale réel de pédophilie cléricale récent, faisant rimer divertissement de haut vol et absence d’esbroufe. Son script, bien que très classique en termes de construction narrative, de twists et de rebondissements, propose néanmoins une écriture solide, pas avare de touches d’humour bienvenues qui viennent alléger le sérieux et la gravité du sujet, et qui présente également le mérite notable de clarifier les enjeux des grands événements socio-politiques dont il traite, là où bon nombre de films historiques et d’investigation journalistique perdent leur spectateur dans un amas chaotique d’informations et se révèlent par conséquent inutilement complexes. L’on mentionnera, cerise sur le gâteau, une interprétation d’ensemble d’une solidité à toute épreuve, dominée par un Michael Keaton définitivement ressuscité.

 

  1. Ma vie de Courgette, de David Barras

Pour son premier long métrage, Claude Barras filme le sentiment de l’enfance, indomptable jusque dans l’ombre. Une ligne claire à la fantaisie douce-amère, teintée de génie. A l’instar de la Tortue susmentionnée, Ma vie de Courgette raconte une histoire simple et universelle dans un geste chargé d’épure et nous touche droit au coeur avec un sujet très difficile, sans jamais tomber dans la sensiblerie.

 

  1. Ave, César !, de Joel Coen et Ethan Coen

Le dernier né des Coen, bien loin de l’approche tragique et acide de grands classiques “d’Hollywood sur Hollywood” (Sunset Boulevard, Les Ensorcelés), revêt la parure de l’hommage joyeusement foutraque, caustique et parodique, mais jamais cynique et non dénué d’une certaine tendresse à l’encontre de ses personnages d’une part, à celle des grands genres canoniques de l’âge d’or d’autre part. Bien moins léger et superficiel qu’il ne paraît malgré une richesse pas aussi affichée que leurs tout grands films, Hail, Caesar ! est une comédie absolument drôle (les deux termes ne vont pas toujours de pair), totalement dénuée d’ambition politique ou philosophique et qui n’a d’autre prétention que de déposer délicatement et en toute innocence un petit bonbon acidulé sur la langue de son spectateur. Une menue friandise est parfois préférable à un plat de résistance costaud, elle est plus facile à digérer et lorsqu'elle passe si facilement, l’on aurait tort de s’en priver. La cure de jouvence de cette année écoulée.

 

  1. Elle, de Paul Verhoeven

Paul Verhoeven n’est pas là pour nous choyer. C’est un fait. Et ce n’est pas Elle qui viendra l’infirmer. Plus que jamais, le cinéaste hollandais se fiche éperdument de proposer une oeuvre de laquelle on ressortirait avec une vision bienveillante et positive de la vie. Son cinéma est une expérience du trouble, du malaise, de la remise en question perpétuelle de ce qui est donné pour dit et surtout acquis. Dans Elle, il appréhende un monde social synonyme d’apparat, d’ordonnance et de convenances fallacieuses, pour mieux le fissurer de l’intérieur et en extirper toute l’ignominie humaine. De ce chaos à la fois spirituel (la veulerie, la tromperie, l’arrivisme) et biologique (la violence, la perversité sexuelle, le meurtre), Verhoeven, non sans cynisme, fera émerger une figure de femme indomptable qui portera dès lors en elle le salut d’une humanité en bien piteuse condition. Avec pour résultat un film aussi discrètement émouvant que Showgirls ou Black Book, dans sa façon de faire briller une figure féminine forte dans son parcours salvateur, ici magnifiquement campée par Isabelle Huppert. Très grand film.

 

 

 

Tops 2016 films et séries

Romain

 

  1. The Assassin, de Hou Hsiao Hsien
  2. Les Huit Salopards, de Quentin Tarantino
  3. La Tortue rouge, de Michael Dudok de Wit
  4. Paterson, de Jim Jarmusch
  5. Premier Contact, de Denis Villeneuve
  6. Julieta, de Pedro Almodovar
  7. Nocturama, de Bertrand Bonello
  8. The Strangers, de Na Hong-jin
  9. Ma Loute, de Brunot Dumont
  10. Everybody Wants Some !!, de Richard Linklater
     
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commentaires

S
Que un seule fois Captain Fantatstic ?! Toutefois, vous m'avais bien donné envie de regarder la tortue rouge, ma vie de courgette et ma Loute. Merchi d'agrandir ma liste de films à voir ! (Et je ne frapperai pas Robin, j'ai beaucoup aimé Batman V Superman moi aussi, contrairement à mes proches qui n'ont pas adhérer du tout)
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