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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 09:00

       "Encore un reboot de merde !", ont dit les plus blasés à l’annonce du projet, et on pouvait les comprendre. A l’instar de Sony avec la licence Spider-Man, pour ne pas perdre les droits des 4 Fantastiques et des X-Men, la Fox doit consacrer un long-métrage à ces héros à des intervalles assez réguliers, ici dix ans maximum. Après deux opus de triste mémoire qui n’ont pas donné lieu à un troisième (on ne s’en plaint pas), le studio a dû recourir à la même solution que Sony, à savoir un reboot avec un nouveau casting et un ton différent. Ayant vraiment apprécié Chronicle, une approche intéressante et originale des super-héros, je m’étais réjoui que le jeune Josh Trank soit en charge du reboot plutôt qu’un réalisateur de sitcom. Il annonçait sa volonté d’approcher le sujet avec sérieux et réalisme, en ne montrant pas les super-pouvoirs comme quelque chose de cool mais comme une mutation douloureuse physiquement et mentalement, citant en référence le cultissime La Mouche de Cronenberg.

 

 

       En dépit de ces bonnes intentions (et peut-être à cause d’elles également), le tournage est loin d’avoir été une affaire de plaisir pour les différentes parties impliqués. La Fox a décrit Josh Trank comme débordé par les évènements, je-m’en-foutiste et arrogant, lui de son côté s’est plaint d’avoir vu un certain nombre de ses idées rejetées et des reshoots imposés par la production pour ajouter à l’arrache quelques scènes d’action. Le résultat est forcément bâtard, personne n’a et ne prendra la responsabilité directe de cet échec, mais le drame c’est que par rapport à la moyenne des productions Marvel Studios, le film n’a même pas grand-chose à proposer pour s’assurer un succès au box-office. On se demande à quel point la Fox a cru sauver le film en imposant ces fameux reshoots, car le résultat est peu probant.

 

      Quand on repense que pendant un an le débat a porté de façon profondément ridicule sur la couleur de peau de la Torche et le fait que Sue soit adoptée, cela paraît d’autant plus dérisoire maintenant car c’est un peu le dernier des soucis du film. On est face à un vrai patchwork d’influences et de tons radicalement différents qui ne peuvent que confirmer les problèmes de production du film, mais paraissent aberrants sur un blockbuster aussi important que celui-ci pour son studio (qui le fait pour garder les droits, rappelons-le). Ant-Man, malgré tous les problèmes le plombant que j’ai pu évoquer, laissait facilement deviner de qui venait les bonnes idées et restait assez fun, même sans vrai metteur en scène à la barre.

 

      Ici on pioche du côté d’Iron Man pour la longue mise en place, sans trop de scènes d’action et revenants aux origines des personnages, mais le rythme est loin d’être aussi fluide. Quasiment une heure avant que le film démarre sur 1h45 en comptant le générique, c’est long. Ironiquement le film souffre de la comparaison quand il ressemble à ses prédécesseurs non pas parce qu'ils étaient meilleurs, mais parce qu'il y pioche de mauvaises idées, le combat final et toutes ses répliques lourdes sur l'unité pour commencer. Entre cette fin et le passage très violent (pour le genre) où Doom fait un massacre dans les couloirs de la base militaire, la différence de ton est choquante autant qu’absurde.

 

 

      Autre point décevant, encore un, par rapport à Chronicle les dialogues et l’approche scientifique (au sens large, on ne va pas pinailler) sont simplement ratés. Les personnages débitent banalité sur banalité, les grands discours sur l’union qui fait la force et la promesse d’un monde meilleur abondent, et le charabia technique ne fait gère illusion. Les programmeurs pourront toujours rire aux "bugs séquentiels" (inconnus au bataillon) qui se corrigent en moins de dix minutes ou à la Sue qui pianote tout le temps comme une dingue pour ne pas faire grand-chose sur des écrans plein de bidules qui clignotent et qui tournent, c'est toujours ça de pris (j'aurais quand même préféré un bon film).

 

      Le comble, c’est que Chronicle était finalement une meilleure adaptation des 4 Fantastiques que ce film. Les dialogues étaient meilleurs, j'avais cru aux personnages, les quelques clichés n'étaient pas envahissants et les effets spéciaux utilisés à bon escient. Ici, on se trouve face à un mélange de Josh Trank qui ne maîtrise pas son film et de scènes d'action imposées par le studio, c'est un gros bordel sans rythme dans lequel les bonnes idées se font rares. Reste la composition de Philip Glass et Marco Beltrami, duo des plus intrigants car le premier n’est pas exactement un habitué des films de super-héros, si l’on excepte l’utilisation d’une piste grandiose de Koyaaniqatsi dans Watchmen (qui se nomme Pruit Igoe pour les curieux, je recommande tout particulièrement). On retrouve bien des traces de son style si particulier lors de la construction du téléporteur géant, mais le reste est tout à fait banal et à peine au-dessus norme actuelle du genre. Si on compare à Brian Tyler ça sera de toute façon toujours meilleur, mais on est bien, bien loin des thèmes cultes du Danny Elfman inspiré des années 90 et 2000.

 

      Je suis vraiment le premier déçu du résultat, ayant défendu le projet depuis son annonce sur le nom de son réalisateur, mais je ne vais pas être malhonnête et dire que j’avais prévu ça depuis le début. Voilà donc le film qui clôt une année bien triste pour les super-héros, avant le déluge à venir en 2016, qui en compte plus du double (si si). Deadpool et Suicide Squad offriront au moins une approche plus décomplexée, quand le dernier X-Men de Brian Singer, Apocalypse, est probablement LA valeur sûre, en tout cas pour moi. Souhaitons à Josh Trank que ce revers lui donne l’occasion de revenir à des projets plus intimistes qu’il maîtrise mieux, avant que l’on ne perde un jeune metteur en scène prometteur de plus dans les limbes d’Hollywood. La mutation en Yes-Man (gag) doit elle aussi être douloureuse mentalement et physiquement, mais je ne crois pas qu’elle ait déjà été traitée au cinéma.

 

 

4/10

 

Arnaud

 

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