Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 juillet 2015 5 17 /07 /juillet /2015 17:46

       Comme d’habitude ou presque, la sortie du dernier film de Gaspar Noé s’est accompagnée de multiples polémiques. Entre une campagne publicitaire volontairement trash (les joies du marketing) et les critiques des associations chrétiennes qui ont souvent la chance de voir des films avant même leur sortie, nous étions gâtés. Le tout sans oublier les nombreux débats habituels sur la représentation du sexe au cinéma (et dans l’art en général) qui reste encore aujourd’hui un sujet tabou. Une sortie mouvementée en gros qui inspire toutes les spéculations possibles et imaginables. Mais le film dans tout ça, il vaut quoi ?

 

 

       Je dois dire que j’étais plutôt de marbre face à ce tumulte. D’une part parce que débattre d’un film avant sa sortie ne m’intéresse pas et d’autre part parce que je connais très peu Gaspar Noé. De lui, je n’ai vu que Carne que j’aime beaucoup pour sa violence psychologique et surtout pour le traitement de cette violence. Et quelque part, ce n’est pas plus mal de partir sans aucun préjugé ni aucune attente spécifique. En tout cas, j’ai été vraiment embarqué par Love qui propose tout de même bien plus que de simples et vulgaires scènes pornographiques.

 

       Comme son titre l’indique, Love est un film qui parle d’amour et il le fait de manière vraiment superbe même si quelques défauts subsistent. Je reviendrai dessus plus tard. On peut considérer cette œuvre comme une illustration quasi expérimentale de ce que représente la passion amoureuse. Ses débuts, sa progression, son apogée, sa fin et ce qu’il en reste. Noé use d’un procédé de narration éclatée, sans véritable sens chronologique, où les bribes de souvenir se mêlent aux fantasmes et à une réalité actuelle maussade. Je trouve cette approche brillante car elle donne une vraie dimension à cette passion, on ressent la force des bonheurs et des regrets qu’elle engendre.

 

       Love est un film lancinant et mélancolique. J’ai été envoûté par son rythme, cette atmosphère, ce spleen. Pour ma part je dirais que Noé a réussi à mettre en scène le sentiment amoureux dans toute sa complexité, sa brutalité mais aussi (et surtout) sa beauté. Ces deux personnages s’aiment, on croit à leur passion et on l’observe sous un jour très intimiste. Et en ça, les scènes de sexe ne sont pas gratuites. Les protagonistes sont suffisamment bien écrits et développés pour rendre ces séquences belles tout simplement, pour leur donner du sens. Faire l’amour n’est pas obscène et filmer cet acte avec tout un cheminement narratif derrière ne l’est pas non plus. 

 

       Après, clairement, c’est cash et ça n’hésite pas à tout montrer et je conçois totalement que ça puisse rebuter. Mais c’est aussi ça l’amour et cette représentation est filmée de façon très sensuelle. Les corps s’ébattent, se caressent, fusionnent et ça dégage une intensité folle. Malgré cet aspect vraiment cru, j’ai été surpris par la tendresse des scènes de sexe qui demeurent surtout très esthétiques et hypnotiques. Le tout combiné à une musique planante utilisée judicieusement.

 

 

       Il y a néanmoins quelques scènes plutôt provocatrices mais elles restent très rares. Je pense notamment au passage où la 3D est utilisée de manière absolument pas subtile sur un phallus en gros plan (ceux qui auront vu le film comprendront sûrement de quel plan il s’agit). Pas nécessaire du tout mais ça rajoute une petite touche d’humour que j’ai tout de même apprécié. Un peu comme si Noé honorait son « contrat », lui qui a volontairement cherché à vendre son film comme un porno complet pour attirer des producteurs. Comme quoi, de nos jours, il ne faut vraiment reculer devant rien pour obtenir des financements.

 

       Plusieurs autres scènes de sexe auraient pu paraître de trop, notamment celles dans le club, mais elles ne le sont pas grâce au traitement des personnages justement. Ce qui aurait pu être glauque sans ça devient justement plus intense et parfaitement intégré dans le récit. La multiplication des actes sexuels ne m’a donc absolument pas gêné. On voit le couple s’apprivoiser, oser, tenter d’autres partenaires mais leur amour reste plus fort que tout. Et c'est aussi ce qui rend cette histoire si belle car il s'agit d'un amour qui résiste malgré ces nombreuses limites, malgré ces nombreuses fautes. Et Noé ne juge pas ses personnages. Personne n'est blanc, personne n'est noir, aucun jugement de valeur. Il les laisse respirer, vivre sous sa caméra et tant mieux car le film évite tout stéréotype ou schéma convenu qui aurait clairement fait tâche.

 

       En fait ce qui m’a le plus embêté dans le film c’est cet entêtement de Noé à expliciter un peu trop ses scènes par des dialogues en voix-off au lieu de laisser parler l’image. C’est parfois de trop et un peu superflu, Love aurait sûrement gagné à être plus épuré et moins bavard. Après c’est un défaut qui touche moins les scènes d’expression amoureuse, de ce fait ce n’est pas encore trop gênant. Et ces scènes où l’amour se ressent via les images sont juste magnifiques. Que l’on n’aille pas me dire que Love est un vulgaire film pornographique, c’est tellement plus que ça. Si la pornographie est bel et bien présente, ça n’empêche pas le film d’être tendre et juste.

 

       L’autre défaut concerne parfois le rythme du film. Si j’aime bien cette progression lente dans le récit, ça s’étire parfois un peu trop et notamment sur la fin. Par contre la conclusion est juste magnifique, si symbolique, si désabusée. Malgré quelques touches d’humour, le film est tout de même globalement triste puisqu’il évoque la fin d’une relation et la manière désespérée d’un homme d’essayer de la faire revivre.

 

 

       La mise en scène de Noé est vraiment de qualité, accentuant ce côté mélancolique avec ces longs plans suivant les personnages, ce qui donne de la vie aux séquences. Mais c’est dans l’utilisation de plans fixes que le cinéaste brille. Les personnages occupent l’espace à merveille, renforçant davantage l’immersion dans l’intimité de ce couple. Et la 3D aide aussi à cela. A défaut d’une réelle profondeur de champ, on a surtout l’impression de coller aux corps, d’être au plus près de l’action, ce qui la rend encore plus immersive. J’ai bien aimé ce montage aussi avec ces quelques fondus noirs secs dans un même plan (qui semblent d’ailleurs plutôt typiques du style de Noé). Ca renforce justement cette sensation de souvenirs qui semblent revenir au personnage principal, bribes par bribes.

 

       Personnage principal qui m’était d’ailleurs infiniment sympathique, un homme de goût qui a des posters de Taxi Driver, Salo et M le Maudit dans sa chambre. Un type bien. Une raison parmi tant d’autres de ressentir une certaine empathie pour ce personnage, de me reconnaître un petit peu en lui sur plusieurs aspects.Mais il n'y a pas que ça évidemment. Cette volonté qu'il a de se rattacher à ses souvenirs le rend particulièrement humain et attachant. C'est quelque chose qui m'a parlé et qui, je pense, est susceptible de parler à beaucoup d'autres personnes. Cet attachement aux personnages justement était essentiel pour vivre pleinement cette expérience cinématographique. De plus, les acteurs sont très convaincants, se donnent à fond pour leurs rôles. Certes quand Electra crie ce n'est pas forcément top, mais tant pis. Les interprètes nous font croire à leurs personnages, et c’est ça le plus important.

 

       Dans l’ensemble, j’ai vraiment été conquis par Love et je préconise de vivre cette expérience sur grand écran dans la mesure du possible. Après c’est aussi clairement destiné à un public averti et ça ne peut pas plaire à tout le monde. On y va pour voir l’amour sous toutes ses facettes ou presque. Il y a du sexe, ce n’est pas simulé et c’est très osé. Mais ce n’est en aucun cas du trash pour faire du trash, bien au contraire. C’est un film sur l’amour qui m’a justement donné envie d’aimer comme rarement et ça fait du bien de voir ce genre de projet au cinéma. Un voyage hypnotique au sein d’une passion qui souffre mais ne meure pas. Ce n'était pas toujours subtil, mais c'est superbe. 

 

8/10

 

Romain

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : La dernière séance
  • : “If you're going to tell people the truth, be funny or they'll kill you.” Billy Wilder Rejoignez-nous sur Facebook et Twitter : https://www.facebook.com/LaDerniereSeanceBlog https://twitter.com/DerniereSeance1
  • Contact